Exploitation versus exploration : l’opposition de deux logiques d’apprentissage

La logique de l’IDE en technologie mise en exergue dans chacune des théories n’est pas sans avoir d’implications sur la nature et les effets de l’apprentissage organisationnel. Afin de rendre compte de cet aspect, nous nous proposons de reprendre l’analyse de J. March qui a reformulé la problématique de l’apprentissage organisationnel autour d’un arbitrage entre une logique d’exploitation et une logique d’exploration, dont les caractéristiques respectives sont les suivantes :

‘The essence of exploitation is the refinement and extension of existing competences, technologies, and paradigms. Its returns are positive, proximate, and predictable. The essence of exploration is experimentation with new alternatives. Its returns are uncertain, distant, and often negative (March [1996], p. 120)’

Cette distinction peut être utilement appliquée au cas de l’IDE en technologie :

  • les stratégies de contrôle de la technologie correspondent à une logique d’exploitation : il s’agit d’exploiter la technologie développée par la firme dans son environnement ‘domestique’ –c'est-à-dire dans son pays d’origine‑ sur des marchés internationaux. En d’autres termes, la logique d’exploitation vise à maximiser le retour sur l’investissement initial ; elle procède d’une logique d’efficacité ‘statique’, centrée sur l’efficience ;
  • les stratégies d’accès correspondent à une logique d’exploration : il s’agit de sonder le potentiel technologique des pays hôtes de l’IDE, voire de l’exploiter. En d’autres termes, la logique d’exploration vise à renforcer les compétences de la firme ; elle procède d’une logique d’efficacité ‘dynamique’.

Le choix –qu’il soit explicite ou non‑ du type de logique d’apprentissage par les firmes n’est pas sans avoir de conséquences sur leur efficacité dynamique, comme le souligne J. March :

‘Thus the distance in time and space between the locus of learning and the locus for the realization of returns is generally greater in the case of exploration than in the case of exploitation, as is the uncertainty. Such features of the context of adaptation lead to a tendency to substitute exploitation of known alternatives for the exploration of unknown ones, to increase the reliability of performance rather more than its mean. This property of adaptive processes is potentially self-destructive.[I]t degraded organizational learning […]. (March [1996], pp. 120-21)’

En somme, en matière technologique, la logique d’exploitation renvoie à un apprentissage ‘myope’, la logique d’exploration à un apprentissage ‘dynamique’, pour reprendre la terminologie proposée par Pavitt & Patel ([1990], p. 11) : le premier type d’apprentissage traite l’investissement technologique de façon similaire à tout investissement d’équipement ‘standard’ ; le second tient davantage compte des spécificités de la technologie en accordant de l’importance à l’exploration des opportunités futures (ibid.).