Une conception de l’innovation comme processus de création de compétences

Nous emploierons les expressions ‘création technologique’, ‘développement technologique’ et ‘activités d’innovation’ de façon indifférenciée. En d’autres termes, nous définissons l’innovation technologique dans un sens large, comme un processus de création technologique (Gaffard [1990], p. 332). Dans cette acception, l’innovation n’est pas réductible aux seuls résultats de la R&D, mais intègre également les innovations incrémentales qui constituent le produit joint des activités productives routinières de la firme (Antonelli [1997], p. 137). Cette conception accorde ainsi une importance primordiale aux ‘connaissances technologiques localisées’, telles que les définit C. Antonelli :

‘Localized technological knowledge emerges from daily routines and from the tacit experience acquired in using capital goods, in producing and manufacturing, in interacting with customers and other manufacturers. Localized technological knowledge is mainly the outcome of learning by doing, learning by using, learning by interacting with customers, learning in procurement. Research and development expenses […] are only an aspect of a more general process of learning and capitalizing on the experience acquired. (Antonelli [1995], p. 4)’

Les connaissances technologiques constituent ainsi le résultat d’expériences d’apprentissage et sont, par conséquent, incorporées dans les ‘compétences’ de la firme (Antonelli [1999], p. 245). Une ‘compétence’ peut être définie comme la capacité de créer, d’échanger et d’interpréter un ensemble de connaissances. Les compétences émergent de processus d’apprentissage organisationnel qui permettent la conjonction de différents éléments de connaissance et de savoir-faire (Cohendet et al. [1999], p. 228). En bref, pour reprendre la terminologie proposée par S. Winter, les compétences correspondent à ce qu’une firme ‘sait faire’ (Winter [1982], p. 76). Nous reviendrons sur ce concept central dans la seconde Partie.

Ainsi, selon la conception de l’innovation que nous adoptons, la séquence innovative n’est pas unidirectionnelle dans le sens R&D/production/commercialisation, mais davantage rétro-active (Antonelli [1995], p. 4). C’est pourquoi nous employons également l’expression ‘dynamique technologique’. Cette expression permet de rendre compte du fait que l’activité innovative est génératrice de ‘compétences’ technologiques, au-delà de la création de simples connaissances technologiques.

Pour autant, par facilité de langage, mais aussi parce de nombreuses contributions restreignent l’innovation à cette dimension, nous emploierons également l’expression ‘activités de R&D’ concurremment à celle d’innovation.