La véritable naissance de la théorie de la FMN remonte à la thèse de Hymer rédigée en 1960 au MIT (Rainelli [1996], p. 7). En effet, avant Hymer, la FMN, étudiée à travers le prisme de la théorie des mouvements internationaux de capitaux, était simplement conçue comme un arbitragiste de capital : ‘the pioneering conceptual insight of Hymer was to break out of the arid mold of international trade and investment theory and focus attention upon the MNE per se’ (Dunning & Rugman [1985], p. 228). Pour ce faire, l’argument avancé par Hymer est d’une ‘simplicité’ remarquable (Bhagwati [1997], p. 392) 11 ; l’investissement direct à l’étranger s’explique par l’imperfection des marchés internationaux qui incite les FMN à se substituer à eux et à exploiter ainsi directement en leur sein les avantages qu’elles possèdent sur leurs rivales :
‘The firm is a practical institutional device which substitutes for the market. The firm internalizes or supersedes the market. A fruitful approach to our problem is to ask why the market is an inferior method of exploiting the advantage ; that is, we look at imperfections in the market. (Hymer [1960], p. 48)’De ce fait, le contrôle est un attribut spécifique de l’IDE. Selon Hymer, le contrôle d’activités à l’étranger par la FMN peut être motivé par deux facteurs : la firme peut chercher à s’affranchir d’une concurrence oligopolistique, ou à exploiter plus profitablement à l’étranger un avantage qui la distingue de ses concurrents (Section 1).
Le degré de généralité de cette théorie de l’IDE a conduit nombre d’auteurs à affirmer que Hymer aurait ainsi anticipé tout ou partie des développements postérieurs de la théorie de la FMN qui seraient contenus en germe dans sa thèse (Rugman [1978], p. 103 ; Kindleberger [1984], p. 181). Pour autant, par la suite, la théorie de la FMN s’est davantage consacrée à l’étude de la seconde modalité de l’IDE distinguée par Hymer, à savoir l’exploitation par la firme d’un avantage à l’étranger (Section 2).
Avant d’aborder ce chapitre, notons que, dans l’ensemble des approches que nous allons présenter, la R&D, de même que sa localisation, ne sont pas traitées de façon explicite 12 . Ces approches peuvent être considérées comme reposant sur le postulat —implicite— selon lequel l’un des avantages les plus importants que peuvent posséder les firmes est la supériorité technologique, dont la R&D est l’un des inputs essentiels (Lall [1979], p. 313). Dans ce type d’approche, la contribution de la R&D est ainsi conçue de la façon suivante :
‘R&D and technology have […] been seen here as an important ‘input’ or ‘tool’ for multinational companies (as a means of exploiting or defending oligopolistic or ‘ownership’ advantages in foreign markets) but remaining largely as a ‘black box’ in such analyses. (Howells [1990], p. 496)’En conséquence, la localisation des activités de R&D est implicitement associée au lieu où sont créés les avantages des firmes, à savoir leur pays d’origine.
C’est précisément la simplicité apparente de l’argument théorique employé par Hymer qui fut invoquée pour expliquer que le MIT, dans un premier temps, refusa de publier sa thèse (Kindleberger [1975], p. xiii). Celle-ci ne fut, en effet, publiée qu’en 1976, après la mort de Hymer.
À l’exception notable du modèle de cycle de vie du produit développé —et amendé plusieurs fois— par Vernon qui prend en compte explicitement le rôle stratégique des activités de R&D et leur localisation (cf. infra, Section 2).