L’attribution de la paternité de la théorie de l’internalisation à S. Hymer constitue l’objet d’une controverse toujours vivace. Ainsi Dunning & Rugman ([1985], p. 230), de même que Teece ([1985], p. 234) aboutissent-ils à la conclusion selon laquelle aucune attention n’est portée à la question de l’efficience relative des firmes et de la problématique afférente des coûts de transaction dans Hymer [1960]. Cependant, d’autres auteurs, à l’image de Casson [1990], insistent sur le fait que l’on peut trouver dans Hymer [1968] les linéaments d’une théorie transactionnelle de la firme multinationale étayés à partir d’une référence explicite et extensive à Coase [1937], ainsi que nous l’avons montré dans le chapitre précédent.
La référence coasienne sera par la suite approfondie dans un certain nombre de contributions à la théorie de la firme multinationale. En particulier, deux articles sont fréquemment recensés dans la littérature comme étant précurseurs à cet égard. Le premier a été publié par le canadien J. McManus en 1972 20 . Dans cette contribution, et s’appuyant en cela sur Coase [1937], l’auteur définit la firme comme une institution alternative au mécanisme marchand destinée à réduire les coûts de recours au marché et, de ce fait, à accroître l’efficacité de l’allocation des ressources productives (McManus [1972], pp. 74-6). De façon plus spécifique, le principal apport de J. McManus est d’insister sur le fait que la firme supplante le marché en modifiant les contraintes comportementales s’imposant à ses membres, le contrôle du ‘management’ se substituant aux contraintes pécuniaires ou contractuelles :
‘The gain from allocating resources by fiat is the increased efficiency that can be obtained through centralized co-ordination of those dimensions of interdependence that cannot be economically constrained by prices and contracts. In other words, the firm is able to reduce the waste that would result from ‘external effects’ among the producers involved if they were to act autonomously. (McManus [1972], p. 79)’Dans une telle optique, la firme multinationale est conçue comme une ‘méthode’ permettant la coordination d’activités interdépendantes localisées dans différents pays : le recours à la centralisation du contrôle s’imposera ainsi si la firme ‘internationale’ apparaît comme la méthode générant le plus haut degré d’efficience pour un coût donné de coordination des activités jointes (ibid., p. 84). Cette perspective sera également abordée dans un article publié par W. Brown en 1976 : ‘[a] major ‘Coasian’ premise emerges : Multinational firms appear where it is cheaper to allocate international resources internally than it is to use the market to do so’ (Brown [1976], p. 39). Néanmoins, comme le remarque Rugman ([1980a], p. 370), les contributions de J. McManus et de W. Brown sont demeurées largement ignorées et, par conséquent, n’ont eu que peu d’impact sur le développement, dans la seconde moitié des années 1970, d’une véritable théorie transactionnelle de la FMN fondée sur le concept d’internalisation.
S’il apparaît courant, dans la littérature, de scinder cette théorie de l’internalisation en deux branches distinctes en vertu de l’existence de divergences terminologiques (1.1.), les branches britannique et nord-américaine de la théorie transactionnelle de la firme multinationale n’en présentent pas moins nombre de similitudes conceptuelles qui les rend largement assimilables (1.2.).
Le caractère précurseur de l’article de McManus [1972] est rappelé par Casson [1987a] dans les termes suivants : ‘the first application of the Coasian concept of internalization to the MNE by McManus (1972) antedates Williamson’s formulation of ‘markets and hierarchies’ theory (Williamson, 1975) and its application to the MNE by Teece […]’ (p. 136).