La première hypothèse, que nous baptiserons ‘Hypothèse HA’, peut être formulée en ces termes :
Hypothèse HA : ‘les activités d’innovation des firmes multinationales ont tendance à être concentrées dans leur pays d’origine.’
On retrouve cette hypothèse, en effet, dans les approches présentées dans le Chapitre 1, aussi bien que dans celles abordées dans le Chapitre 2 :
L’Hypothèse HA correspond, en quelque sorte, à une stratégie par défaut : elle prédit que, dans leur grande majorité, les activités d’innovation des FMN seront localisées dans leur pays d’origine.
Les deux hypothèses suivantes reposent davantage sur l’analyse de la nature des activités d’innovation entreprises à l’étranger par les FMN. En d’autres termes, elles tentent d’apporter une réponse à la question suivante : bien que leur importance quantitative soit limitée eu égard à la prédiction de l’Hypothèse HA, pourquoi les FMN conduisent-elles des activités de R&D hors de leur pays d’origine ?
Hypothèse H1 : une stratégie d’accès au marché
La seconde hypothèse, que nous baptiserons ‘Hypothèse H1’, peut être formulée de la façon suivante :
Hypothèse H1 : ‘les activités d’innovation entreprises par les firmes multinationales hors de leur pays d’origine reflètent des stratégies d’accès aux marchés étrangers.’
Cette hypothèse est déduite des approches concevant la FMN comme une réponse à l’existence d’imperfections de marché structurelles, présentées dans le Chapitre 1.
Ainsi les modèles de ‘réactions oligopolistiques’ mettent-ils en avant une conception défensive de l’IDE : l’objectif de la firme est de s’assurer un accès aux marchés étrangers. Les questions d’ordre technologique sont secondaires dans ce type de configuration, la firme investissant à l’étranger pour contrer ses rivaux (cf. Hymer & Rowthorn [1970]). Dès lors, l’avantage spécifique de la firme joue un rôle subalterne dans ce type de stratégie (cf. Miotti et al. [2001], p. 39).
Hypothèse H2 : une stratégie de R&D adaptative
La troisième hypothèse, que nous baptiserons ‘Hypothèse H2’, peut être exprimée dans les termes suivants :
Hypothèse H2 : ‘les activités d’innovation entreprises par les firmes multinationales hors de leur pays d’origine reflètent des stratégies de R&D adaptative.’
Cette hypothèse est soutenue par la théorie transactionnelle de la FMN, présentée dans le Chapitre 2.
La théorie de l’internalisation soutient, en effet, qu’une FMN est une firme cherchant à exploiter, sur les marchés internationaux, un avantage de nature technologique. Cet avantage est d’origine ‘domestique’, dans la mesure où le développement initial des connaissances constitutives de l’avantage s’appuie sur la base technologique du pays d’origine de la firme. Au terme de cette logique centripète de la multinationalisation, les activités de R&D entreprises par les filiales, lorsqu’elles existent, ne peuvent qu’être subalternes ; elles constituent, au mieux, une R&D adaptative. J.F. Hennart estime ainsi que, si les filiales conduisent des activités de R&D, c’est dans un objectif d’adapter les produits de la firme aux conditions locales (Hennart [1982], p. 118). A. Rugman et J. Bennett confirment cette position en affirmant que la seule raison pour laquelle les activités de R&D sont susceptibles d’être décentralisées est relative aux besoins d’adaptation au marché autochtone (Rugman & Bennett [1982],p. 61). On retrouve des positions similaires dans Buckley & Casson ([1976], p. 55) et dans Teece ([1981a], p. 58).
Cette analyse débouche sur la prise en compte implicite d’une asymétrie, en termes de capacités technologiques, entre la FMN et le pays hôte : la FMN cherchera à amortir ses atouts technologiques dans des marchés étrangers plus faibles technologiquement. En effet, si elle s’implante dans ces marchés, c’est parce que la FMN dispose d’avantages technologiques sur ses concurrents autochtones.
La vérification de chacune de ces hypothèses, dans la troisième partie de la thèse, permettra d’évaluer la pertinence relative de chacune des approches théoriques exposées dans cette première partie.