Seconde partie : Vers une conception intégrant la dimension centrifuge de la multinationalisation des firmes : développements théoriques autour de la théorie des compétences de la firme

Dans une analyse rétrospective de la théorie de l’internalisation, P. Buckley admet que la théorie ‘orthodoxe’ de la FMN a ‘négligé’ l’analyse de deux points fondamentaux. Le premier est relatif à l’organisation interne de la firme et, en particulier, à l’analyse des compétences et des processus d’apprentissage :

‘[T]he internalisation approach has neglected to develop its implications for relationships within the firm. A number of avenues are available to meet this challenge. They include an examination of the knowledge base of the firm, [and] learning process within the firm […]. (Buckley [1993a], p. 203)’

Le second point ‘négligé’ par la théorie de l’internalisation est, selon l’auteur, le rôle de l’IDE en R&D comme vecteur d’acquisition de technologies externes, du fait de la centralité donnée à l’étude de l’appropriabilité de la R&D développée par la firme dans son pays d’origine :

‘[I]t was precisely the internal adoption of the fruits of R&D in firm-specific developments which gives the multinational firm its dynamics in Buckley and Casson’s (1976) model. However, what is perhaps underemphasised is the use of foreign direct investment as a means to acquire previously external technology […] (Buckley [1993a], p. 204)’

Afin de pallier ces carences analytiques, P. Buckley estime que la ‘théorie des compétences de la firme’ (TCF) constitue le cadre d’analyse le plus approprié (ibid., p. 203). La TCF constitue une approche émergente et alternative à la théorie transactionnelle, qui place les processus d’apprentissage de compétences au cœur de sa démarche (Chapitre 3).

Les thèmes distinctifs de cette théorie sont relatifs à ‘l’incomplétude des connaissances productives’ et à la firme comme institution facilitant la ‘coordination qualitative’ entre les individus (Langlois & Foss [1999], p. 207). L’étude du premier thème par la TCF contribue à souligner que les frontières de la firme dépendent de ses compétences (Langlois [1988], p. 639) : le degré d’incomplétude des compétences de la firme détermine dans quelle mesure elle aura recours au marché, la firme réalisant un arbitrage entre le coût de production de compétences ‘internes’ le coût d’acquisition de compétences ‘externes’ (Langlois [1992a], p. 108).

‘In short, […] the capabilities view of the firm suggests that the boundaries of the firm are determined (at least in part) by the relative strength of internal and external capabilities […]. (Langlois [1992a], p. 109)’

La TCF accorde ainsi une importance à l’étude non seulement de l’organisation interne de la firme, mais également de son ‘organisation externe’ destinée à capter des compétences ‘externes’. L’internationalisation des activités d’innovation des firmes procède de cette organisation externe (Chapitre 4).

Au terme de la TCF, la firme est donc conçue comme une institution destinée à assurer une coordination non plus quantitative –c'est-à-dire fondée sur les prix et les quantités‑ mais ‘qualitative’ :

‘The firm is an institution that lowers the costs of qualitative coordination in a world of uncertainty, where by coordination I mean the process of aligning the knowledge and expectations of the parties who need to cooperate in production, and by qualitative coordination I mean coordination involving the transmission of information beyond price and quantity. (Langlois [1998a], p. 6)’