Section 1 : Coordination et coûts de transaction : de Coase à Williamson

Après une trentaine d’années de relatif désintérêt des économistes pour l’article original de R. Coase ‘The Nature of the Firm’ paru en 1937, l’article d’A. Alchian et de H. Demsetz ‘Production, Information Costs, and Economic Organization’, d’une part, et l’ouvrage d’O. Williamson Markets and Hierarchies, d’autre part, parus respectivement en 1972 et 1975, constituent deux piliers d’une approche ‘contractualiste’ de la firme (cf. Cheung [1983]), encore qualifiée de ‘nouvelle économie institutionnelle’ (cf. Gabrié & Jacquier [1994]), s’appuyant sur —et souvent divergeant de (cf. infra)— la contribution originale du Prix Nobel. Alchian & Demsetz [1972] et Williamson [1975] fonderont deux approches contractualistes distinctes (Medema [1995], p. xl).

Les articles d’Alchian & Demsetz [1972] et, à leur suite, de Jensen & Meckling [1976] seront fondateurs de la théorie des droits de propriété (Gabrié & Jacquier [1994], p. 103), que l’on peut qualifier également d’approche en termes de ‘nexus of contracts’ —ce qui n’implique pas pour autant une homogénéité au sein de cette catégorie d’approches (cf. Aoki et al. [1990]). Jensen & Meckling [1976] définiront ainsi la firme comme un réseau de contrats  50 . Il reste à préciser, comme le font remarquer Gabrié & Jacquier ([1994], p. 103), que, ‘en fait, Alchian et Demsetz sont, de tous les théoriciens d’inspiration institutionnaliste, ceux qui ont conservé les attaches les plus nettes avec la théorie néo-classique traditionnelle et qui ont poussé le plus loin sa réhabilitation.’ Ainsi que le remarquent Arena & Charbit ([1997], p. 17), il n’existe pas de distinction essentielle, dans l’approche d’Alchian & Demsetz [1972], entre les transactions marchandes ordinaires et l’organisation et l’allocation des ressources au sein de la firme : ‘[The firm] has no power of fiat, no authority, no disciplinary action any different in the slightest degree from ordinary market contracting between any two people’ (Alchian & Demsetz [1972], p. 777).

Qualifiée d’économie des coûts de transaction (ECT), l’approche fondée par Williamson [1975], quant à elle, entend se démarquer fortement de la théorie néo-classique, notamment par le recours à des concepts tels que celui de ‘rationalité limitée’ —que Williamson emprunte explicitement à H. Simon : ‘bounded rationality is the cognitive assumption on which transaction cost economics relies (Williamson [1985], p. 45). L’approche adoptée par O. Williamson, contrairement à celle d’Alchian & Demsetz [1972], permet en définitive de reconnaître la spécificité des firmes en tant que formes d’organisation à part entière (Arena & Charbit [1997], p. 17).

C’est pour cette raison que, pour caractériser les développements de l’approche ‘contractualiste’ 51 de la firme et rendre ainsi compte —de façon par trop parcellaire sans doute— de l'économie moderne de l'organisation, nous nous centrerons sur les travaux de Williamson dont l’influence n’est plus à démontrer. Cette Section tentera ainsi de reprendre l'argument de R. Langlois et N. Foss selon lequel les questions de coordination qualitative ont progressivement été, après R. Coase, délaissées, comme l'illustre l'œuvre d’O. Williamson (1.). Le résultat en a été l'établissement d'une partition entre coûts de production et coûts de transaction (2.).

Notes
50.

‘[T]he firm as the nexus of a set of contracting relationships among individuals’ (Jensen & Meckling [1976], p. 311).

51.

O. Williamson définit, en effet, l’économie des coûts de transaction (ECT) comme une approche contractualiste de l’économie de l’organisation (Williamson [1989], p. 136).