1.1. Un recentrage sur l’analyse des compétences technologiques

Nous montrerons, en premier lieu (1.1.1.), les raisons du recentrage sur les compétences technologiques, avant de caractériser la perspective ‘évolutionniste’ adoptée pour l’étude de la dimension technologique (1.1.2.).

1.1.1. Compétences technologiques et compétences organisationnelles : une dissociation analytique

L’analyse de la firme multinationale, menée dans le cadre de la TCF, procède d’une dissociation entre deux types de compétences, les compétences technologiques et les compétences organisationnelles. La TCF appliquée à la FMN recentre ainsi son analyse sur le premier type de compétence, à savoir les compétences technologiques. La raison est double :

  • en premier lieu, ce choix repose sur le postulat, formulé notamment par J. Cantwell, selon lequel la compétence technologique constitue un déterminant essentiel de la compétitivité des firmes (Cantwell [1991b], p. 35). Ce postulat ne doit pas, néanmoins, être interprété comme relevant d’un quelconque déterminisme technologique qui confèrerait à la dimension technologique de la firme une primauté sur les autres fonctions. Au contraire, ainsi que nous l’avons précisé dans l’Introduction générale, le terme de ‘compétence technologique’ doit être entendu dans un sens large. Pour les tenants de la TCF, les ‘compétences technologiques’ vont au-delà des résultats de l’activité de R&D ; elles découlent des activités d’innovation, à la fois de produit et de process, qui ont pour effet d’impacter l’organisation et la gestion de la production. De ce fait, les compétences technologiques sont complémentaires aux compétences organisationnelles , plus, les deux types de compétence ‘se chevauchent’ (ibid.). Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur ce point  70  ;
  • en second lieu, ainsi que nous l’avons évoqué  71 , les compétences organisationnelles sont ‘spécifiques’ à chaque firme, au sens où elles sont le produit de contextes environnementaux et organisationnels particuliers (Dosi et al. [1990], p. 243). Elles résultent donc de processus d’apprentissage collectifs et contextualisés (ibid.). Les compétences technologiques présentent également des caractéristiques fortement spécifiques. Pour autant, les opportunités technologiques que rencontre la firme ne sont pas strictement internes : des sources d’innovation peuvent résider au dehors des frontières de la firme (Teece [1996], p. 216). Les ‘capacités dynamiques’ (dynamic capabilities) de la firme peuvent ainsi être appréciées à l’aune de leur capacité d’assimiler  72 des compétences technologiques ‘externes’ et de les fusionner avec les compétences technologiques ‘internes’ (Teece et al. [1997], p. 516). Dès lors, les stratégies d’accès des firmes concernent davantage les compétences technologiques.

La dissociation des deux types de compétences permet de conférer aux hypothèses de la TCF, en matière de stratégie des firmes, un caractère réfutable  73 .

Notes
70.

cf. infra, Chapitre 5, Section 1, point 1.1.1.

71.

cf. supra, Chapitre 3, Section 2.

72.

Ce qui suppose, toutefois, que la firme dispose d’une ‘capacité d’absorption’ —au sens de Cohen & Levinthal ([1990], pp. 128-9)— suffisante, point que nous avons souligné plus haut (cf. supra, Section 1).

73.

Sur ce point, cf. infra, Conclusion de la seconde Partie.