Conclusion du chapitre
Le degré d’internationalisation des stratégies d’innovation des FMN a pu être apprécié, sur la base de notre échantillon de 350 firmes, dans la première Section du Chapitre. Les principaux résultats sont les suivants :
- la majorité des firmes étudiées ont inventé moins de 10 % des brevets européens qu’elles détiennent hors de leur pays d’origine. Mais le degré d’internationalisation des activités d’innovation a sensiblement progressé entre 1988-1990 et 1994-1996 : 37,1 % des firmes avaient inventé plus de 10 % de leurs brevets européens à l’étranger sur la première période, cette proportion se montant à 42,3 % pour la seconde période ;
- le degré d’internationalisation a sensiblement augmenté entre 1988-1990 et 1994-1996 : tous domaines technologiques confondus et toutes nationalités confondues, 15,8 % des brevets européens déposés par les firmes de l’échantillon avaient été inventés hors de leur pays d’origine sur la première période, contre 19,5 % sur la seconde. Ce résultat contribue à valider l’Hypothèse HB au détriment de l’Hypothèse HA ;
- en termes de nationalités présentes dans notre échantillon, 5 groupes de firmes peuvent être distingués, par ordre croissant d’internationalisation de leurs activités d’innovation sur la période 1994-1996 : les firmes japonaises constituent un groupe à elle seule, moins de 4 % des brevets européens qu’elles détiennent ayant été inventés à l’étranger. Le second groupe est constitué des firmes américaines, allemandes et sud-coréennes qui apparaissent modérément internationalisées avec 16-17 % de leurs brevets européens inventés à l’étranger. Le troisième groupe est composé des firmes françaises, suédoises et britanniques qui ont inventé entre un quart et un tiers de leurs brevets européens à l’étranger. Le troisième groupe rassemble les firmes suisses et néerlandaises, plus de la moitié de leurs brevets ayant été inventés à l’étranger. Enfin, le dernier groupe est constitué des firmes italiennes qui se situent dans une position intermédiaire avec une proportion de 44 % ;
- les sources géographiques des activités d’innovation des firmes de l’échantillon, c'est-à-dire les lieux d’invention de leurs brevets européens, sont limitées : sur la période 1994-1996, la part des États-Unis était de 35,7 %, celle du Japon était de 21,1 %, l’Allemagne arrivant en troisième positon avec 18,4 %, la part de la France n’étant que de 7,4 %.
Une typologie des stratégies des FMN a été proposée dans la Section 2 du Chapitre, dans l’objectif de réaliser des tests statistiques sur notre échantillon de 35 firmes. Les résultats détaillés par nationalité révèlent que, en proportion des brevets européens inventés hors de leur pays d’origine par les firmes de l’échantillon :
- la stratégie Home-base augmenting (HBA) est la stratégie dominante pour les ‘grands’ pays, à savoir les États-Unis (51 %), le Japon (35,3 %), la Grande-Bretagne (60,7 %), l’Allemagne (54,6 %) –mais à l’exception notable de la France. La logique de la stratégie de type HBA est de choisir des domaines technologiques dans lesquels le pays hôte est fort, et dans lesquels la firme réalisant l’IDE dispose d’un avantage technologique révélé dans son pays d’origine. En d’autres termes, les firmes américaines, japonaises, britanniques et allemandes ont tendance, lorsqu’elles localisent des activités de recherche hors de leur pays d’origine, à cibler des pays disposant de compétences technologiques susceptibles de compléter les leurs ;
- la stratégie Home-base augmenting (HBA) est également la stratégie dominante pour les ‘petits’ pays, à savoir le Danemark (70,9 %), les Pays-Bas (34 %), la Norvège (69,3 %), la Suède (44,7 %) et la Suisse (57,6 %) ;
- la stratégie Home-base exploiting (HBE) n’est la stratégie dominante que pour deux pays, à savoir la France (51,5 %) et la Finlande (53,7 %). La logique de la stratégie de type HBE est de choisir des domaines technologiques dans lesquels le pays hôte est faible, mais dans lesquels la firme réalisant l’IDE dispose d’un avantage technologique révélé dans son pays d’origine. En d’autres termes, lorsque les firmes françaises et finlandaises localisent des activités de recherche hors de leur pays d’origine, elles tendent à exploiter à l’étranger des avantages technologiques domestiques ;
- les stratégies Market-seeking (MS) et Technology-seeking (TS) sont plus marginales : elles n’apparaissent en première position que pour une nationalité chacune. La stratégie TS arrive en dernière position pour 9 nationalités sur les 14 observées. Dans la moitié des cas, la stratégie TS apparaît en troisième position.
Les résultats détaillés par domaines technologiques ont fait apparaître la hiérarchie suivante pour les firmes de l’échantillon :
- dans la grande majorité des cas, à savoir dans 22 sous-domaines technologiques sur un total de 30, la stratégie 3 de type Home-base augmenting (HBA) est la stratégie dominante. C’est notamment le cas dans la plupart des domaines à forte intensité technologique. Dans 6 autres domaines, elle apparaît en seconde position ;
- la stratégie 2, de type Home-base exploiting (HBE), n’arrive en première position que dans 5 sous-domaines, sa position la plus fréquente étant la seconde (dans 13 sous-domaines sur 30) ;
- la stratégie 3, de type Technology-seeking (TS), n’apparaît en première position que dans trois sous-domaines, sa position la plus fréquente étant la troisième (dans 13 sous-domaines sur 30) ;
- enfin, la stratégie 1, de type Market-seeking (MS), n’est dominante dans aucun des sous-domaines technologiques. Sa position la plus fréquente est la dernière (dans 20 sous-domaines sur 30).
L’ensemble des résultats par nationalités et par domaines technologiques contribue, en définitive à valider l’Hypothèse H3, déduite de la TCF. L’Hypothèse H2, avancée par la théorie de l’internalisation, semble également validée, mais dans une autre mesure. Le degré de validation des Hypothèses H1 et H4 est plus faible.