1-d L’hétérogénéité des mécanismes de réception

Sans rejeter l’hypothèse d’une influence des messages télévisuels, différentes approches reportent leur attention sur les modes d’appropriation de ces messages par le public et nuancent le constat d’un effet uniforme. Ainsi, pour Patrick Champagne, la réception ne s’apparente pas à un processus unilatéral : “La réception d’un message ne saurait être dissociée des conditions sociales où elle s’accomplit pour échapper au “mythe du conditionnement des masses” et pour voir que la télévision et plus généralement les moyens de communication, loin de véhiculer une “culture nouvelle”, transmettent surtout des schèmes de réinterprétations et des symboles sociaux d’identification qui doivent leur force au fait qu’ils rencontrent les systèmes de valeurs les plus traditionnels.” 45

Initié en Grande-Bretagne par Richard Hoggart 46 , le courant des Cultural Studies affirme également l’hétérogénéité des mécanismes de réception des messages télévisuels et entreprend d’aborder ceux-ci d’un point de vue ethnographique. Dans un texte fondateur, Stuart Hall 47 souligne que “la circulation et la réception sont bel et bien des “moments” du “procès de production” à la télévision (...), elles constituent des moments différenciés au sein de la totalité que forment les rapports sociaux du processus communicationnel pris dans son ensemble”.

Sur le plan méthodologique, David Morley 48 , confronté à la diversité des commentaires des téléspectateurs d’un magazine télévisé, dévoile une piste particulièrement prometteuse : pour mettre à jour la pluralité des réceptions d’un même programme, ce chercheur suggère d’effectuer en parallèle deux types d’analyse, “l’une d’inspiration sémiotique et l’autre sociologique”. Grâce à la première, l’observateur peut repérer “les structures et les mécanismes internes au texte-programme qui invitent à certaines lectures et en empêchent d’autres” ; tandis que la seconde lui permet de cerner “le “background” culturel du lecteur-spectateur”. La mise en regard des résultats produits par ces deux analyses l’aidera à “définir les paramètres de la signification”. Cela, en évitant “ les pièges soit de l’infinité possible des interprétations (individuelles) d’un texte, soit de la tendance formaliste qui veut que tout texte assigne de façon absolue son sens (au récepteur-lecteur)” 49 .

Notes
45.

Patrick Champagne, “La télévision et son langage : l’influence des conditions sociales de réception sur le message”, Revue française de sociologie, XII, 1971, p.430.

46.

Richard Hoggart, La culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre , Minuit, Paris, 1970 (1957).

47.

Stuart Hall, “Codage/décodage” (extrait remanié de l’article “Encoding and decoding in Television Discourse” , Centre for Contemporary Cultural Studies, 1973), Sociologie de la Communication, CNET, Paris, 1997 p.62-63.

48.

David Morley, The Nationwide Audience, British Film Institute, London, 1980.

49.

David Morley, The Nationwide Audience réédité in Television, audiences & cultural studies, Routledge, Londres, 1992, p.75, cité et traduit par Guy Lochard et Jean-Claude Soulages, op.cit.p.209.