1-e Genres et contrat

La troisième perspective de nature sémio-linguistique se démarque des Cultural studies en recentrant l’analyse sur les programmes et genres télévisuels, considérés comme des vecteurs de différenciation de la production et de la réception. A chaque programme, à chaque genre télévisuel correspond un “acte configurant” pour reprendre l’expression de Louis Quéré 50 . “Inhérent à la réception”, celui-ci “s’articule à un acte configurant-en-production, qui dote le texte ou l’émission d’un certain ordre, observable et descriptible par le récepteur - ce qui lui permet d’en faire sens et d’y ajuster son comportement”. L’effet de cadrage produit par le genre du programme et la possibilité offerte au téléspectateur de choisir, dans les limites de ce “cadre participatif” 51 , l’interprétation en fonction de laquelle il ajustera son comportement, renvoient aux notions de contrat et de promesse.

Tout produit médiatique repose sur la négociation d’un “contrat de lecture”, qui régule en quelque sorte la communication. Eliseo Veron envisage ce contrat comme “un processus qui va de la production de sens jusqu’à la “consommation” de sens, le message étant le point de passage qui supporte la circulation sociale des significations” 52 . Si la communication télévisuelle n’échappe pas à la nécessaire contractualisation qui lie entre eux les participants à tout acte de communication, c’est “parce qu’il faut bien que ces partenaires s’entendent (ne serait-ce qu’implicitement) sur les normes et les conventions qui vont permettre que se produise une certaine intercompréhension”, constate Patrick Charaudeau 53 .

Le caractère “rituel” de cette relation stabilisée par les régles propres aux différents genres télévisuels conduit Alberto Negri, Paolo Signorelli et Raffaele De Berti à définir quatre “pactes communicatifs” 54 dont le contenu varie selon les missions conférées à la télévision :

La diversité des relations présupposées entre la télévision et les téléspectateurs est pensée ici sur le mode de l’interaction. Pour Gianfranco Bettetini 55 qui adopte ce point de vue, “un film ou un programme télévisuel contiennent non seulement un univers sémantique qu’ils entendent transférer au spectateur mais aussi un projet de relation communicative, un programme de développement de l’interaction avec le public”.

Notes
50.

Louis Quéré, “Faut-il abandonner l’étude de la réception ?” Réseaux n°79, CNET, Paris, 1996, p.35

51.

Selon Sonia Livingstone et Peter Lunt, chaque production propose des “cadres participatifs” qui varient en fonction du groupe social auquel appartient le téléspectateur. Aux différents groupes sociaux correspondent des communautés interprétatives constitutives de l’audience “réelle” de la télévision. Sonia Livingston et Peter Lunt, “Un public actif, un téléspectateur critique” , Hermès 11-12, CNRS Editions, Paris, 1993, p.150.

52.

Eliseo Veron, “Quand lire, c’est faire : l’énonciation dans le discours de la presse écrite” in Sémiotiques II, Publications de l’IREP, Paris, 1983.

53.

Patrick Charaudeau, La Télévision, les débats culturels, Apostrophes”, Didier Erudition, Paris, 1992, p.11.

54.

Alberto Negri, Paolo Signorelli, Raffaele De Berti, “Scènes de la vie quotidienne”, Réseaux n°44-45, Sociologie de la télévision : Europe, CNET, Paris, 1990.

55.

Gianfranco Bettetini, La conversazione audiovisiva, Problemi dell enunciazione filmica e televisiva, Bompiani, Milan, 1984, p.80, cité par Guy Lochard et Jean-Claude Soulages, op.cit., p.84.