2- Approche méthodologique

Etymologiquement, informer vient du verbe latin informare qui signifie façonner, mettre en forme. Mais le mot se double d’une seconde signification – en rapport avec la notion d’événement, elle-même liée étroitement aux médias 71 – qui va se généraliser et prendre en quelque sorte le pas sur la première avec le développement de l’imprimerie : informer signifie aussi mettre au courant.

On peut donc définir l’information comme une construction du réel de nature symbolique – puisque faite de signes et non de la matérialité du monde 72 – conçue, élaborée et diffusée par les médias 73 . C’est-à-dire par les journalistes et les groupes de presse qui les emploient. On ne retiendra pas l’acception du terme information issue de la théorie mathématique fondée sur la transmission du signal selon le modèle de Shannon et Weaver 74 . Cette théorie, en effet, ne rend compte ni du sens, ni du rôle fondamental joué par le récepteur dans son émergence. Or, c’est par la lecture que l’information s’actualise et, précisément, acquiert un sens.

Notes
71.

Louis Quéré, Introduction, 4ème partie L’événement, in Sociologie de la communication, op.cit., p.416.

72.

Rudolph Arnheim s’inquiétait dès 1935 des illusions engendrées par l’effet de réel produit par la télévision : “ Plus nos possibilités d’expérience directe sont parfaites, plus facilement nous nous laissons prendre à l’illusion dangereuse qui consiste à croire que voir équivaut à connaître et à comprendre ”. (Rudolf Arnheim, “ Prospectives pour la télévision ”, in Interciné, revue de l’Institut international pour le cinéma éducatif, Société des Nations, Rome. “ Le cinéma est un art ”, L’Arche, 1989, p.201. Des extraits de cet article, accompagné de ses références, sont repris par Guy Lochard et Jean-Claude Soulages, op.cit., p.12). Aux propos prémonitoires de ce théoricien allemand fait écho la réflexion plus récente de Philippe Breton : “ L’un des troubles provoqués par les médias aujourd’hui est le fait que l’homme moderne croit avoir accès à la signification des événements simplement parce qu’il est informé sur eux. Or, quel que soit l’effort que peut déployer un média, quelle que soit la qualité du travail journalistique, l’information arrive toujours à un seuil où elle est impuissante à rendre compte du sens de l’événement. ” (Philippe Breton, L’utopie de la communication. Le mythe du  village planétaire ”, La Découverte, Paris, 1995, p.141).

73.

Selon Harvey Molocht et Marylin Lester qui analysent l’événement en termes de construction de news, « les informations sont donc le résultat de ce besoin invariant de comptes rendus de l’inobservé, de cette aptitude à mettre autrui au courant, et du travail des professionnels des médias ». (Harvey Molocht et Marylin Lester, « Informer : une conduite délibérée. De l’usage stratégique des événements » in Sociologie de la communication, CNET, Paris, 1997, p.435).

74.

Claude E. Shannon et Warren Weaver sont considérés comme les auteurs de la première définition opérationnelle de la théorie de l’information. Dans un ouvrage intitulé Théorie mathématique de la communication paru en 1949 et traduit en français en 1975, Shannon et Weaver exposent le schéma canonique de lq communication qui comporte cinq éléments : une source d’information productrice d’un message, un codeur ou transmetteur qui transforme le message en un signal, un canal de transmission du message, un décodeur qui déchiffre le message, et enfin un destinataire. A ce modèle, les auteurs associent une théorie. L’information y est définie en termes de probabilité : plus un événement est probable, moins il est informatif ; plus il est inattendu, plus il est informatif. On mesure ainsi l’information sur deux plans en appréciant à la fois la quantité d’informations disponibles et la qualité de ces informations dans leur rapport à la référence dont elles sont porteuses. Principale limite de cette conception : elle enferme la mesure dans un calcul de probabilité et ignore la signification du message ainsi que le rôle essentiel joué par le récepteur. Or, un message émis qui ne trouve pas de récepteur l’ayant décodé, reste une suite de signes (Dictionnaire encyclopédique des sciences de l’information et de la communication, sous la dir. de Bernard Lamizet et Ahmed Silem, Ellipses, Paris, 1997, pp.513-514).