I-2 Les autorités cubaines

Avec la disparition en décembre 1991 de l’Union Soviétique dont dépend 70% de son commerce extérieur, Cuba, qui subit déjà durement déjà l’embargo des Etats-Unis, se retrouve le dos au mur 135 . Entre 1990 et 1993, le produit intérieur brut de l’île chute de 35%, la capacité d’importation du pays se réduit brutalement, passant de 8 200 millions à 1 700 millions de dollars américains, tandis que sa capacité d’exportation diminue de 73% entre 1989 et 1993 136 . “ Pour la population, la misère se généralise avec son cortège de restrictions et de pénuries, y compris pour les produits de première nécessité, ” constate Jean-François Soulet 137 , qui qualifie de “ grand bond en arrière de l’économie cubaine ” ce revers historique 138 . La société cubaine est face à un dilemme : comment peut-elle à la fois trouver les moyens de survivre et de réactiver l’économie dans le cadre mondial du marché et défendre les acquis sociaux et culturels 139 obtenus depuis la révolution de 1959 ?

Notes
135.

“ C’était une chose réellement imprévisible, réellement incroyable dans l’histoire de l’humanité ; mais c’était une chose terriblement dure à tous égards pour notre pays et notre Révolution. Il fallait que notre peuple soit préparé ou se prépare, car personne ne se prépare du jour au lendemain dans des circonstances aussi graves et d’une telle portée. Il fallait forger la conviction et tenir la promesse de résister, de lutter et de vaincre, quand bien même il nous faudrait nous retrouver absolument seuls…” Fidel Castro Ruz, Rapport présenté devant le 5ème congrès du Parti Communiste de Cuba le 8 octobre 1997, Editora politica, La Havane, 1998, p.2.

136.

Carlos Tablada, “ Les nouveaux agents économiques dans une société socialiste (Cuba) ” in Cuba, quelle transition ?, Aurelio Alonso Tejada et al., L’Harmattan, Paris, 2001, op.cit., p.39.

137.

Jean-François Soulet, Histoire comparée des Etats communistes de 1945 à nos jours, Armand Colin, Paris, 1996, pp.368-369.

138.

“ Nous avions tout perdu : sources d’approvisionnement, marchés, prix ; tout était à refaire… Mais comment ? Avec quoi ? Il fallait garantir des quantités minimum de combustible, et cela engloutissait le gros de nos revenus au titre des exportations (…) Bien entendu, ceci eut des conséquences terribles pour tous les secteurs et toutes les branches. L’agriculture se retrouva sans le combustible nécessaire pour un minimum d’activité, sans fertilisants, sans pesticides ni herbicides, sans pièces de rechange, sans intrants, sans aliments pour le bétail, sans moyens pour le maintien de la production alimentaire, qui avait atteint des niveaux non négligeables ; les machines se retrouvèrent sans pièces de rechange, les tracteurs sans pneus. Il advint à peu près la même chose dans l’industrie sucrière… ” (Fidel Castro Ruz, op.cit., p.6-7).

139.

L’éducation, la santé et la sécurité sociale figurent parmi les réussites incontestées de la politique mise en oeuvre dans l’île depuis 1959 : “ A Cuba, le nombre d’établissements scolaires passe de 7 682 à 43 097 en un peu plus de dix ans (1958-1969), tandis que la population scolarisée triple presque (…) De 1958 à 1968, à Cuba, selon les statistiques officielles, le nombre des médecins serait passé de 1 003 à 6 607, celui des hôpitaux de 97 à 195, et le budget de la santé aurait été multiplié par dix. ” (Jean-François Soulet, op.cit., pp.172-173). Selon le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), Cuba arrive en tête de tous les pays d’Amérique latine pour l’espérance de vie : celle-ci était de 75,4 ans en 1992 (Rapport mondial sur le développement humain, 1992, pp.142-143, cité par Olivier Dabène, op.cit., p.176).