I-3-b L’UER ou la mutualisation des sources d’images

Les premières tentatives de création d’une télévision européenne ont vu le jour au sein d’un organisme fondé à Genève en 1950 par les pionniers de la radio et de la télévision de service public en Europe de l’Ouest : l’UER. L’un des premiers objectifs de cette association professionnelle de radiodiffuseurs nationaux fut de mettre sur pied un réseau, l’Eurovision, fonctionnant comme une bourse d’échanges et permettant, en quelque sorte, de mutualiser les sources d’images. “ Pour la création d’Euronews, le réseau permanent de l’Eurovision jouera un rôle particulièrement important ”, souligne Sonja Fuhrmann 190 . “ Ce réseau est né d’une idée simple : si un pays n’a pas suffisamment d’images pour couvrir un sujet, pourquoi ne pas en faire la demande à un pays voisin en lui proposant d’autres images en échange ? ” Depuis le regroupement de l’UER et de l’OIRT – l’union des radiodiffuseurs d’Europe de l’Est – intervenu en 1993, l’Union européenne de radiodiffusion compte 117 membres installés dans 79 pays, parmi lesquels 68 membres actifs de 49 pays et 49 membres associés de 30 pays 191 .L’Institut Cubain de la Radio et de la Télévision (ICRT) figure ainsi parmi les membres associés. Chaque jour, une quinzaine d’échanges de séquences d’actualité destinées à alimenter les journaux télévisés nationaux sont organisés entre les membres de l’UER. Grâce aux images qui transitent par l’Eurovision, 25 000 sujets sont traités en moyenne par an. A l’origine de la première retransmission internationale en direct – le couronnement de la reine Elisabeth d’Angleterre en 1953 –, l’UER a été associée aux trois expériences qui ont précédé dans les années 80 le lancement d’Euronews : Eurikon, Europa-TV et Eurosport.

Avec Eurikon, il s’agit tout d’abord de tester la faisabilité d’une programmation européenne. Durant cinq semaines, au début de l’année 1982, cinq chaînes publiques membres de l’UER 192 se relaient pour coordonner, réaliser et diffuser quotidiennement un programme complet comprenant une tranche informative et répondant aux trois missions assignées à la télévision de service public : informer, éduquer, divertir. L’UER fournit les images, le satellite Orbital Test Satellite de l’Agence Spatiale Européenne assure la transmission. Le programme est diffusé en cinq langues - anglais, français, allemand, italien et néerlandais – grâce à une équipe d’interprètes qui traduisent en direct la langue originale de l’émission. Dix autres membres de l’UER 193 se portent volontaires pour recevoir le programme. Les réactions sont pour le moins mitigées : malgré l’efficacité des interprètes, les téléspectateurs se lassent de n’entendre qu’une seule voix. Le recours au sous-titrage, qui préserve intégralement la langue originale, demeure un pis-aller. Mais la barrière de la langue n’apparaît plus comme un obstacle insurmontable. Une programmation européenne est désormais envisageable.

Le lancement en octobre 1985 de la chaîne Europa-TV marque une autre étape décisive. Dans l’intervalle, un sondage réalisé pour la Commission européenne a confirmé l’intérêt des Européens pour la création d’une chaîne communautaire. Le gouvernement des Pays-Bas propose de mettre gratuitement à disposition de la future télévision un canal néerlandais sur le satellite Eutelsat 1. Là encore, les images de l’UER sont sollicitées par Europa-TV pour compléter les quatre heures de production hebdomadaire réalisées depuis le siège d’Hilversum. De 18 à 23 heures, un programme quotidien est diffusé en néerlandais, anglais, allemand et portugais, et se présente comme une offre complémentaire des chaînes généralistes nationales. Nouvel échec : confrontée à des problèmes de gestion et de financement, Europa-TV ferme ses portes au bout d’un an.

Eurosport lui succède en 1989. C’est sans doute la plus belle réussite de l’UER. Eurosport doit son succès au caractère attractif des images de sport à la télévision. Diffusée en 16 langues, la chaîne qui couvre aujourd’hui près de 50 pays, fait figure de précurseur pour les auteurs du “ projet Euronews ”.

Notes
190.

Sonja Fuhrmann, Euronews : une chaîne européenne entre mission de service public et logique commerciale, Mémoire de maîtrise d’information-communication, Université Jean Moulin Lyon 3, Lyon, 1999, p.9.

191.

Liste des membres de l’UER. Voir en annexe XY.

192.

Il s’agit de la RAI (Italie), de UKIB (Grande-Bretagne), ORF (Autriche), ARD (Allemagne), et NOS (Pays-Bas).

193.

Il s’agit de TDF (France), la SSR (Suisse), la RTVE (Espagne), la RTP (Portugal), la RTA (Algérie), la RTT (Tunisie), ERT (Grèce), JRT (Yougoslavie), YLE (Finlande) et de la RTE (Irlande).