I-3-c Un outil de communication de l’Union européenne

Dans l’esprit de ces derniers, c’est une chaîne “ tout-image ” - c’est-à-dire sans présentateur – diffusant en plusieurs langues un programme d’information en continu qui se dessine progressivement. Car l’objectif est aussi de prendre à contre-pied Cable News Network, plus connue sous le sigle CNN. La chaîne américaine d’information en continu vient de s’installer en Europe où elle commence à diffuser ses programmes. La guerre du Golfe au cours de laquelle CNN affirme sa suprématie comme source d’image, va contribuer à accélérer le processus de création d’une chaîne européenne qui reçoit le soutien de Jacques Delors, le président de la Commission. Seul domaine inexploré dans l’étude de faisabilité du projet : “ l’impact commercial (...) la possibilité de disposer de revenus du marché pour financer l’opération ” 194 . Autrement dit, la part des recettes publicitaires qu’Euronews peut escompter. Mais cette “ lacune ” n’inquiète pas outre mesure les dirigeants européens, qui semblent davantage préoccupés de l’influence qu’ils pourront exercer sur cette nouvelle chaîne au slogan prometteur : “ Many voices, one vision ”. Plusieurs voix, une seule vision. Une vision qui ne peut être que la leur.

C’est à partir d’une stratégie politique et d’une approche instrumentale affichées ouvertement que les institutions européennes envisagent d’emblée leurs rapports avec Euronews. La chaîne est citée explicitement comme l’un des vecteurs dont dispose l’Union européenne pour rendre compte de ses activités : “ Le Parlement et la Commission doivent promouvoir (…) la production d’émissions télévisées sur l’activité des institutions européennes, qui pourraient être diffusées par Euronews ou d’autres médias ”. Dans le même rapport relatif à “ la politique d’information et de communication dans l’Union européenne ” 195 , les parlementaires émettent le vœu que “ la subvention accordée à Euronews soit remplacée par un contrat d’information en 1998 de manière à permettre à l’Union européenne d’utiliser Euronews comme un instrument de sa politique d’information à part entière ”.

Grâce à ses “ exceptionnelles compétences multilingues ”, la chaîne va devenir le partenaire “ naturel ” des institutions européennes lorsqu’il s’agira de coproduire des émissions destinées à promouvoir les politiques communautaires. “ On voit bien là à la fois la manière extrêmement volontariste dont est envisagée l’information comme moyen d’unification des identités et de faire émerger une véritable identité européenne et la conception de la chaîne qui prévaut parmi les parlementaires européens : celle d’un instrument de communication de l’Union européenne ”, soulignent Olivier Baisnée et Dominique Marchetti. “ Même si dans le fonctionnement quotidien de la chaîne, Euronews n’est pas subordonnée aux institutions européennes, le discours que tiennent les acteurs politiques européens sur l’information en général et sur Euronews en particulier est un bon indicateur de l’intérêt accordé à ce projet rédactionnel. ” Un intérêt d’autant plus vif que la chaîne, dans sa charte éditoriale 196 , s’assigne “ comme une des ses tâches prioritaires de communiquer et de faire comprendre l’importance des enjeux et des défis de la construction de l’Europe moderne ”.

Notes
194.

Sonja Fuhrmann, Entretien avec Pierre Brunel Lantenac, ancien secrétaire général d’Euronews, le 28 avril 1999, op.cit.

195.

Peter Pex, Rapport sur la politique d’information et de communication dans l’Union européenne,A4-011598, 5 mai 1998, cité par Olivier Baisnée et Dominique Marchetti, op.cit., pp.126-127.

196.

Sonja Fuhrmann, Charte Euronews Editorial, op.cit.