II-2-a Ordonnancement des sujets et rythme du déroulé

En visionnant les premières livraisons, nous avons cherché tout d’abord à repérer les principes de classement, ainsi que les éléments de continuité et de discontinuité dans le déroulé des informations. Si l’on applique la “ règle de la pyramide inversée ” selon laquelle l’information jugée la plus importante est présentée en premier, l’ordre d’énonciation des sujets fournit une clé permettant de saisir la ligne éditoriale. C’est la politique internationale qui ouvre toutes les éditions. Rien de surprenant, eu égard à la nature des destinateurs. La structure d’ensemble est conforme au mode d’organisation des informations de la chaîne européenne : d’une durée de 26 minutes, la tranche informative du programme ”Espacio Europa ” est, pour l’essentiel, une réplique de la tranche informative de 30 minutes, unité de base de la grille d’Euronews une fois déduites les coupures publicitaires. Les éléments suivants se succèdent dans un ordre invariable :

  • un générique constitué d’un plan-annonce du double émetteur dont le nom – “ Euronews avec la Commission européenne ” - est incrusté sur un fond fixe représentant le drapeau européen ; et d’un plan-annonce du programme dont le nom – “ Espacio Europa ” - est incrusté sur un fond mobile : un mur d’écrans où apparaissent et disparaissent des fragments d’images ;
  • cinq titres ;
  • neuf à douze sujets de politique internationale, économie, société et culture ;
  • cinq à six sujets de sport ;
  • une reprise du générique organisé autour d’un seul plan-annonce où le nom des émetteurs surplombe un bandeau mobile indiquant le nom du programme.

Le temps attribué à chaque élément informatif fournit une autre indication des choix rédactionnels découlant de la ligne éditoriale. Mais le rythme produit par cette répartition inégale du temps ne révèle pas seulement l’intérêt que l’on porte aux différents sujets, il témoigne aussi de la posture que l’on prête au téléspectateur. Examinons tout d’abord les résultats de nos relevés chronométriques.

Nous avons reporté sur les histogrammes ci-dessous nos observations relatives au déroulé des deux premières tranches informatives du programme « Espacio Europa » datées du 30 mai et du 6 juin 2000 : ces deux graphes ne présentent aucune similitude. Dans la tranche du 30 mai 2000, la durée des sujets varie de vingt secondes à quatre minutes ; dans la tranche du 6 juin 2000, cette durée varie de vingt secondes à 2 minutes 15 secondes.

Le chronométrage des différents éléments constitutifs des premières tranches informatives du programme fournit les indications suivantes :

  • à l’instar des génériques de début et de fin – 10 secondes –, ainsi que des titres dont l’énonciation dure une minute, c’est une proportion invariable d’un bout à l’autre du programme, soit 3/4 -1/4, qui s’applique aux durées respectives de l’ensemble des informations de politique internationale, économie, société et culture, et de l’ensemble des informations sportives : 18 minutes environ pour les unes, 6 minutes 40 secondes pour les autres, ces deux ensembles fonctionnant comme deux “ blocs ” ;
  • à l’intérieur de chaque “ bloc ”, en revanche, on n’observe pas de structuration temporelle attestant un souci de maîtriser le rythme du déroulé. La longueur de certains sujets associée à leur nombre produit un effet cumulatif : alors que chaque sujet proposé est susceptible de retenir l’attention, la perception est comme brouillée par la vision de l’ensemble où il est inséré. L’impression de parcourir un “ tunnel ” se dégage de l’assemblage des différents sujets. Le passage des informations non sportives aux informations sportives, les titres et les fondus enchaînés sur une boucle musicale syncopée qui séparent chaque sujet du sujet suivant, sont les seuls repères dont dispose le téléspectateur pour se situer à l’intérieur de la tranche. Dès lors, le risque est grand que le téléspectateur ne “ décroche ” ou que l’usage de la tranche informative ne soit pas celui auquel on la destinait : là où l’on attendait un récit construit émerge un ensemble de données sonores et visuelles sans réelle unité. Il importe d’en saisir les raisons.