II-4-a “ L’éclatement ” de la tranche informative

Irma Caceres 348 s’en explique sans détours : “ Nous ne diffusons pas ce programme en un seul bloc : l’ensemble dure 27 minutes ! Nous ne le retransmettons pas dans sa totalité. Nous disposons déjà d’un long programme d’information le soir dans lequel nous reprenons trois ou quatre de ces sujets. Et s’il y a des journaux qui ont besoin de nouvelles du monde dans leur tranche horaire à d’autres moments de la journée, nous leur donnons le programme et ils choisissent ce qui les intéresse : ils sélectionnent les sujets selon leurs thèmes, en fonction de leurs centres d’intérêts. ”

La longueur du programme n’est pas le seul argument “ technique ” avancé par Irma Caceres pour ne pas le diffuser dans son intégralité. Certaines des informations transmises par Euronews sont redondantes avec d’autres informations déjà reçues et diffusées par la télévision cubaine. Autrement dit, non seulement ces informations ne sont pas “ originales ”, mais elles arrivent “ en retard ” ! Grâce à toutes les télévisions étrangères dont elle capte les émissions par l’intermédiaire du satellite, la télévision cubaine dispose, en effet, de la couverture en images des événements les plus importants qui se produisent dans le monde.

S’agissant de CNN avec laquelle elle demeure, par ailleurs, en très bons termes, la télévision cubaine prélève les images diffusées par la chaîne américaine qu’elle retransmet, assorties de ses propres commentaires, sans payer le moindre droit. Une réponse, explique-t-on à l’ICRT, au blocus décrété par les Etats-Unis vis-à-vis desquels Cuba se considère en état de légitime défense. Les téléspectateurs cubains ont pu suivre ainsi durant des heures la retransmission en direct des derniers Jeux Olympiques de Sydney sans qu’il en coûte un seul peso à l’Etat cubain, au grand dam des organisateurs australiens de la manifestation sportive qui avaient négocié à prix d’or les droits télévisuels.

On comprend mieux, dès lors, les “ exigences ” d’Irma Caceres à l’égard d’Euronews. “ Il arrive parfois que ce que les journalistes d’Euronews nous présentent comme la nouveauté du jour ne soit plus d’actualité pour nous et corresponde à des images que nous avons passées et repassées. Comment pouvons-nous remédier à ce décalage ? En faisant en sorte qu’il y ait davantage d’analyses et en suggérant des thèmes aux journalistes d’Euronews. Prenons un exemple : s’il se produit en Turquie un grand tremblement de terre, on va bien sûr parler de la Turquie, ici à Cuba. Pour cela, nous recevons des informations en direct toute la journée. Nous allons passer des images tous les jours et nous ferons un résumé en fin de semaine. Quelques jours après, nous n’allons pas passer un nouveau résumé, celui d’Euronews, sur le tremblement de terre en Turquie. C’est déjà fait ! Nous le disons aux journalistes d’Euronews en leur demandant de traiter plutôt des problèmes de l’immigration qui peuvent concerner l’Espagne ou l’Union européenne. Cela nous intéresse beaucoup plus que les images en provenance d’Euronews sur le tremblement de terre en Turquie. ”

Les magazines Azotes et Umbrales del siglo XXI sont, de fait, les principaux bénéficiaires des sujets proposés par Euronews qui développent une analyse à partir d’un exposé des derniers événements. Les “ sujets-passerelles ”, évoqués précédemment, semblent particulièrement appréciés. Introduits par un présentateur cubain, ces sujets sont diffusés intégralement avec le commentaire en espagnol des journalistes d’Euronews. “ En général, on aime à Cuba notre regard européen, ” confirme Aurora Velez 349 . “  On me l’a dit encore dernièrement à propos de mon sujet sur l’Europe face à l’immigration. Nous avons également reçu des félicitations pour la façon dont nous avons abordé le problème de la prostitution en Europe et pour notre compte-rendu du procès de José Bové. ”

“ L’éclatement ” de la tranche informative et la distribution des sujets qui la composent dans les différents journaux et magazines de la télévision cubaine, ne sont pas les seules modifications apportées par les destinataires. Certains sujets jugés “ dépassés ” disparaissent. D’autres font l’objet d’une dissociation des images et des sons et d’une complète reconstruction : les images, seules, sont reprises et remontées, souvent en association avec des images provenant d’autres sources. Le commentaire d’Euronews sert à identifier les images transmises et à guider le monteur de l’ICRT qui les redécoupe. Un commentaire cubain se substitue au commentaire européen lors du nouveau mixage qui précède la diffusion des images. 

Notes
348.

Entretien avec Irma Caceres. Voir en annexe.

349.

Entretien avec Aurora Velez, voir annexes.