1.2.1.3. Importance du développement des lobes frontaux dans le comportement adapté

A. Damasio (1985) affirme que les lobes frontaux médiatisent les fonctions exécutives de contrôle, les réponses émotionnelles et modulent le comportement des êtres humains. Une altération des structures frontales signifie une atteinte de cette flexibilité adaptative et de la métacognition en terme de conscience de soi en relation avec l’environnement (Marlowe, 1992). C. Mateer et D. Williams (1991) se réfèrent à des études portant sur les ablations du cortex pour illustrer le rôle des lobes frontaux dans le comportement émotionnel et cognitif de l’individu (Fuster, 1989). Ces études indiquent que le cortex de la surface préfrontale dorsale et latérale est impliqué principalement dans le comportement de l’individu, incluant le contrôle attentionnel. Le reste du cortex préfrontal, médial et ventral, apparaît essentiellement impliqué dans les fonctions affective et motivationnelle et le contrôle de l’inhibition des influences externes et internes qui interfèrent avec un comportement réfléchi et provoquent des actions inappropriées.

Ainsi, le développement des lobes frontaux permet de façonner les patrons comportementaux des autres structures cérébrales. Nous comprenons donc l’incidence d’une atteinte frontale précoce et aussi celle d’un dysfonctionnement chimique au niveau frontal sur l’ensemble du développement cérébral, comme cela semble être le cas pour les enfants atteints de TDA. Certaines études de cas ont démontré que les atteintes des mécanismes d’autorégulation du comportement engendrent, notamment chez l’enfant, de l’irritabilité-impulsivité, de la distractibilité, une perturbation de la conscience sociale et de la labilité émotionnelle (Maater et Williams, 1991 ; Grattam et Eslinger, 1991). Parmi les perturbations les plus significatives consécutives aux dommages frontaux, les difficultés d’inhibition en terme de contrôle de l’interférence des stimuli internes et externes sont rencontrées. L’action dirigée vers un but s’en trouve affectée.

Dans les tâches de rappel, les enfants de moins de sept ans sont plus sensibles à l’interférence que ceux plus âgés. Les enfants de notre étude sont âgés en moyenne de 9 ans et demi et si notre hypothèse d’un développement psycho-cognitif immature est vérifiée, nous devons nous attendre à observer chez eux une perméabilité à l’interférence à l’instar des enfants plus jeunes. Cette dimension du développement cognitif a été longtemps ignorée. De sept ans à l’âge adulte, le niveau d’interférence diminue mais augmente après soixante cinq ans (Dempster, 1992).

M. Moscovitch (1992, 1994) dans son modèle de récupération contrôlée et automatique intègre un système qui correspond à l’administrateur central du modèle tripartite de A. Baddeley (1986) cité plus avant. Ce système est impliqué dans la gestion stratégique de récupération des informations, incluant le contrôle des réponses. La récupération automatique des données emprunte la voie du lobe temporal latéral (auparavant Moscovitch parlait du lobe hippocampo-médio-temporal) qui est dépendante de la mémoire épisodique et par conséquent n’est pas gênée par une tâche interférente. La récupération contrôlée des données est médiatisée par le cortex frontal parce qu’elle implique souvent une recherche et est davantage stratégique. Elle est quant à elle, sensible à la tâche interférente. V. Rosen et R. Engle (1997) s’appuient sur ce modèle et prétendent que l’augmentation de la capacité de mémoire de travail provenant du développement du lobe frontal depuis l’enfance permet d’augmenter l’habileté à mener une recherche stratégique contrôlée. Ils ajoutent que si les capacités de la mémoire de travail déclinent avec l’âge (Salthouse, 1991), alors elles doivent s’accompagner d’une faiblesse dans l’habileté à mener des recherches contrôlées.

Comme nous venons de le voir, l’attention se développe tout au long de la vie de l’individu et est associée principalement au fonctionnement du lobe frontal. L’individu évolue par glissement progressif de l’émotionnel vers le cognitif, les sentiments structurés par le traitement cognitif supplantant les émotions archaïques. L’attention qui s’appuie sur des structures émotionnelles devient alors une fonction essentiellement cognitive. D’après J.F. Hamon (1998) ce glissement dépend des conditions de vie. Par exemple, la carence comme l’excès de stress retardent le processus, cependant celui-ci dépend aussi des aptitudes cognitives dont dispose l’individu.