1.2.1.4. Défectologie et vicariance

Au terme de ces deux sous-parties, nous observons que chaque être humain possède une trajectoire d’apprentissage singulière. D’après M. Minder (1999), l’apprentissage passe par la réorganisation de la structure psychique préexistante. Cette réorganisation provient de la modification des représentations et des connaissances sous l’action d’expériences. Quant à M. Reuchlin (1978), cet auteur postule que l’apprentissage permet de modifier la stratégie d’exploration des stimuli pour atteindre son but. Ainsi, différentes stratégies peuvent conduire à un même objectif (principe des processus vicariants). Or, chez les sujets dont la lésion est survenue précocément, non seulement les mécanismes d’auto-régulation psychocognitive et émotionnelle sont modifiés mais aussi les systèmes perceptifs mais de façon plus atténuée. En effet, la perception est un processus dans lequel s’inscrit l’acte de l’attention. Ce processus inclut toutes les étapes du traitement de l’information, depuis les stimuli reçus de l’environnement jusqu’au stade de la mémoire sémantique (Thomas et Michel, 1994). Lors d’une lésion cérébrale affectant une modalité sensorielle notamment, le cerveau qui garde en mémoire les interactions du système sensoriel antérieures, est capable dans une certaine mesure de se réorganiser. Ce phénomène de réorgansiation fonctionnelle ou encore de plasticité cérébrale est également rencontré pour les cas de lésions sensorielles. Cette notion de plasticité a déjà été abordée par L. Vygotski dans une approche socioconstructive de l’enfant. Cet auteur propose un modèle dynamique du développement de l’enfant handicapé. Ce modèle est issu de l’hypothèse selon laquelle tout déficit est compensé par l’émergence de compétences originales et nouvelles chez le sujet handicapé. L. Vygotski considérait le développement des sujets handicapés sous l’angle de possibilités de développement (zone proximale de développement) grâce à des médiateurs comme les signes et symboles notamment (fonction régulatrice et compensatrice) et écartait toute vision restrictive et statique (Rivière, 1990). Dans une perspective plus cognitive,S. Portalier (1996) modélise cette capacité d’adaptation par un système sensoriel différencié selon le type de déficit visuel précoce ou tardif. Dans le cas d’un déficit congénital, seules les modalités sensorielles intactes sont activées en interagissant entre elles. Dans le cas d’un déficit tardif, les interactions développées entre toutes les modalités sont toujours activables mais sans perception directe. Il n’empêche que dans les deux cas, le même objectif est atteint. A. De Volder, A. Bol, J. blin, A. Robert, P. Arno et al. (1997) ont obtenu des données neurophysiologiques mettant en évidence cette plasticité cérébrale. En effet, ces auteurs constatent que les aveugles précoces ont développé une structuration corticale originale avec une implication des aires pariéto-occipitales visuelles dans des tâches auditives ou encore tactiles.

Sans parler de défectologie, nous pouvons considérer que chez les sujets souffrant de troubles de l’attention, seules les aires impliquées dans l’émotion (aires temporo-ventrales) seraient activées directement. Les aires impliquées dans le contrôle attentionnel ne prendraient le relai que difficilement ce qui expliqueraient des réponses impulsives dominées par l’affect et non modulées raisonnablement.