4.1.2. Théories cognitives de l’attention

En psychologie cognitive, l’attention est un concept de base sur lequel repose l’étude des autres processus cognitifs.

Le concept attentionnel est très souvent relaté avec celui de la conscience.

Les études montrent que les caractéristiques sémantiques du stimulus affectent l’attention. Les théories proposées par J. Deutsch & D. Deutsch (1963) et D. Norman (1968) suggèrent que tous les inputs sont analysés mais que seuls les plus pertinents sont sélectionnés. Autrement dit, toutes les informations feraient d’abord l’objet d’une première identification automatique, avant que les connaissances stockées dans la mémoire du sujet n’interviennent pour « décider » de la pertinence d’un traitement plus en profondeur. Dans ce cas, il s’agit d’une sélection décisionnelle. La théorie des deux processus ou des deux voies de U. Neisser (1967) introduit le degré de conscience dans le concept de l’attention. Cette théorie prend aussi bien en compte les propriétés des stimuli que les facteurs sémantiques. U. Neisser privilégie le point de vue constructiviste de la cognition dans lequel la perception est configurée par la connaissance existante et l’amorce de l’attention est influencée par l’expérience. Il considère que les informations attendues seraient traitées plus en profondeur et émet l’hypothèse selon laquelle la sélection attentionnelle s’effectuerait sur la base de niveaux de traitements différents. Cependant, des auteurs avancent l’idée que certains traitements sémantiques semblent s’opérer très précocément. Cette idée avait d’ailleurs amené A. Treisman, dès 1960, à modifier le modèle de Broadbent en introduisant des processus d’analyse sémantique du message avant le filtre. J. Lackner et M. Garret (1972) ont utilisé une technique fort pertinente pour démontrer l’existence d’un traitement sémantique précoce de l’information sur le canal non prioritaire. Ils présentent à l’oreille attentive une phrase syntaxiquement correcte, mais sémantiquement ambiguë comme « the boys are throwing stones AT THE BANK » qui peut être interprétée comme « les enfants lancent des pierres SUR LA BERGE » ou « les enfants lancent des pierres CONTRE LA BANQUE ») pendant qu’un mot indice permettant de lever l’ambiguïté est diffusé simultanément à l’oreille inattentive, comme par exemple dans ce cas le mot « savings » (économies). On constate alors que les sujets comprennent la phrase dans le sens « contre la banque », ce qui n’est possible qu’en utilisant l’information parvenue sur le canal non prioritaire, mais sans pour autant être capables de dire ce qu’ils ont entendu sur ce canal. La détection de la réponse reste donc inconsciente.

Suite au modèle trop rigide de D. Broadbent nous allons maintenant évoquer un modèle fonctionnel lié à la nécessité de tenir compte des capacités limitées de notre système cognitif. Dans ce cas, les notions d’attention et de filtre attentionnel renvoient à un problème plus général qui concerne l’architecture du système cognitif de l’homme, et impliquent des ressources cognitives limitées. Nous étudierons cette conception de l’attention dans le chapitre des modèles à capacité limitée plus avant. Nous pouvons déjà voir que cette conception se trouve notamment dans le modèle des ressources attentionnelles de D. Kahneman (1973). Ce modèle introduit l’idée de l’affectation délibérée. La focalisation de l’attention sur les informations pertinentes pour effectuer une tâche donnée, permettrait de concentrer ces ressources sur leur seul traitement, ce qui aurait pour effet d’améliorer la qualité de la performance mnésique et perceptive. Le traitement cognitif des autres informations (distracteurs) serait effectué dans la limite de la quantité de ressources résiduelles. En revanche, en situation d’attention partagée les ressources cognitives sont distribuées simultanément entre plusieurs sources d’informations, d’où une moins grande efficacité et/ou une moins grande profondeur de traitement, qui expliquerait la diminution des performances par rapport aux situations d’attention focalisée. Ce modèle suggère donc qu’en plus du processus inconscient, l’attention peut être focalisée volontairement (comme lorsque quelqu’un mentionne votre nom). Le modèle introduit également la façon de concevoir l’attention comme une compétence qui peut être améliorée. M. Eysenck (1982) examine quant à lui la relation entre l’attention et l’amorce. Il conclut qu’il existe deux types d’amorçage : un système passif et général qui peut élever ou abaisser le niveau de l’attention, et un système spécifique, compensatoire qui permet à l’attention d’être focalisée sur une tâche particulière ou un stimulus environnemental.

Il va de soi que l’on ne peut parler d’attention sans faire référence à la mémoire. Ces deux concepts sont intimement liés puisque le processus mnésique conscient qui permet l’apprentissage fait intervenir l’attention à un moment donné, conformément au modèle théorique choisi et appliqué.