Chapitre 6. Hétérogénéité/complémentarité des modèles attentionnels

6.1. Modèles à filtre attentionnel

6.1.1. Modèles à sélection précoce

En 1958, Broadbent propose sa théorie du filtre attentionnel en suggérant qu’on ne peut traiter qu’un input à la fois. D’après cette théorie, les stimuli peuvent être filtrés par le système perceptif grâce à l’attention (Attention = filtre fonctionnel préalable à la phase de perception ou de reconnaissance de formes) et à partir de leurs attributs physiques. Le modèle de D. Broadbent (modèle structural de l’attention) se limite en fait à un simple canal n’ayant pas de mécanisme pour diviser l’attention. L’attention est présentée comme un canal à capacité limitée qui détermine le processus sériel du système perceptif. Il est vrai que la métaphore du filtre ne suppose pas d’attention divisée après la phase du filtrage. En effet, le changement d’attention peut se produire uniquement si l’information entrée dans l’autre oreille n’a pas disparu du registre d’information sensorielle auditif et si ce changement ne se réalise pas trop vite ; le risque étant de perdre une partie de l’information (voir tâche conçue par Broadbent en 1954 in Reed, 1999, pp. 71-74). D’ailleurs les chercheurs ne sont pas tous unanimes quant à l’aptitude du système de traitement à partager l’attention entre deux sources. En effet, en situation d’écoute dichotique et d’attention partagée, le sujet distribue son attention équitablement vers les deux oreilles. Les cibles étant présentées autant de fois à gauche qu’à droite, la performance est donc moyenne pour les deux oreilles. Mais à chaque essai, 100 % de l’attention est utilisée pour ne traiter qu’une seule des deux informations en compétition. Il n’y a donc pas obligatoirement de traitement parallèle. Le système de traitement, au lieu de partager les ressources entre les deux oreilles, peut alterner rapidement le traitement entre celles-ci en investissant à chaque fois 100 % de l’attention. Chaque échantillon d’observation, ainsi séquentiellement traité, est ensuite reconstitué ultérieurement en vue de la réponse à fournir (Miller & Bonnel, 1994).

Pour revenir au modèle de D. Broadbent, celui-ci possède un lieu de stockage sensoriel à très court terme, situé avant le filtre et un canal à capacité limitée, situé après le filtre. L’information qui arrive est maintenue temporairement dans le lieu de stockage où s’effectue l’analyse des caractéristiques élémentaires des stimuli (forme, position, timbre, intensité, ...) Cette analyse pré-attentive se situe juste avant le tunnel à capacité limitée, ensuite elle traverse le canal et sélectionne la catégorie des événements rattachée à l’information (Broadbent, 1958 p. 298). Un filtre sélectif bloque (modèle Broadbent) ou atténue alors (modèle de Treisman) les messages non pertinents avant leur accès au goulot d’étranglement (Treisman et Geffen, 1967 in Reed. 1999, p.79). Cependant, d’après la théorie de A. Treisman, le processus de filtrage peut être dépassé par des stimuli inattendus à condition que leurs seuils d’activation soient suffisamment bas.