6.4. Modèles d’attention à capacité limitée avec un administrateur central

A. Baddeley et G. Hitch quant à eux proposent un autre modèle à capacité limitée. Dans celui-ci, la mémoire à court terme est subdivisée en trois sous systèmes : une boucle phonologique, un calepin visuo-spatial et un administrateur central, système d’attention limitée (Baddeley, 1986 ; Baddeley & Hitch, 1974). A cette époque (1986), l’architecture tripartite du modèle n’est pas complètement vérifiée car les recherches ne rendent pas compte de l’existence de trois systèmes de MDT distincts. Elles se limitent à une simple dissociation entre la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. En 1992, Loisy et J. Roulin (Monnier & Roulin, 1994, pp. 437-438) ont mené une recherche pour tenter de rendre compte de l’existence de sous systèmes distincts en MDT comme l’envisage A. Baddeley (1986) dans son modèle. Dans cette recherche, une série de mots étaient présentés séquentiellement aux sujets, chaque mot étant localisé au hasard dans l’une des cases d’une grille comportant 9 X 9 cases. Après un délai de rétention de cinq secondes, l’expérimentateur signalait au sujet le type d’information qu’il avait à restituer, c’est-à-dire qu’il demandait au sujet de rappeler soit les mots (rappel verbal sous la dépendance de la boucle phonologique), soit l’emplacement des mots sur la grille (rappel par pointage sous la dépendance du calepin visuo-spatial), soit enfin les mots accompagnés de leur emplacement sur la grille. Ce dernier type de réponse correspondant à un rappel verbal avec pointage simultané nécessitait de coordonner deux informations de format différent. Il était donc supposé relever plutôt de l’administrateur central dans le modèle de A. Baddeley (1986). Durant l’intervalle de rétention, les sujets étaient soit libres, soit soumis à une tâche interférente qui pouvait être une tâche d’équilibration posturale, de suppression articulatoire ou bien encore une tâche visuelle ou spatiale. Il était possible de classer ces différentes tâches interférentes en fonction de leur coût et de la nature des mécanismes qu’elles mettaient en jeu lors de leur réalisation. Les résultats montrent une double dissociation expérimentale : le rappel des mots est davantage perturbé par la tâche interférente de suppression articulatoire et le rappel des emplacements sur la grille à la fois par la tâche interférente spatiale et par la tâche d’équilibration posturale. Si la nature des tâches interférentes (verbale versus spatiale) rend compte du pattern de résultats en ce qui concerne le rappel des mots et des emplacements, la chute des performances est fonction du coût de la tâche interférente dans le cas où un rappel double est demandé (mot associé à sa localisation sur la grille). Un tel résultat est donc compatible avec l’hypothèse de trois groupes de tâches et donc avec l’existence de sous-systèmes distincts en MDT comme le suppose A. Baddeley dans son modèle. A. Baddeley (2000) a récemment ajouté une quatrième composante dans son modèle, il s’agit du buffer épisodique qui sert exclusivement de stockage à capacité limitée. L’information peut y être intégrée à partir des systèmes esclaves (boucle phonologique et calepin visuo-spatial) et à partir de la mémoire à long terme. Elle peut ainsi être représentée avec plusieurs caractéristiques. Dans ce modèle, le buffer épisodique combine et stocke l’information provenant de différentes sources, permettant une manipulation active comme le fait de créer de nouvelles représentations pour résoudre de nouveaux problèmes. Le centre exécutif et le système de stockage qu’est le buffer épisodique possèdent donc une capacité limitée associée à une récupération consciente des données (variable attentionnelle). Dans ce modèle, la mémoire de travail de capacité limitée stocke et traite l’information de manière simultanée (Baddeley, 2000) alors que dans le modèle de N.Cowan, ces deux opérations se font alternativement.

W. Hirst et coll. (1980) quant à eux, envisagent les ressources cognitives en tant que moyens ou outils intervenant dans la transformation cognitive de l’information (Camus, 1996). Ils considèrent que la notion de capacité attentionnelle limitée peut conserver une certaine valeur descriptive tant que le système cognitif ne dispose pas d’outils nécessaires à la réalisation habile et efficiente d’une tâche, mais qu’elle n’a pas de valeur explicative lorsque ces outils sont acquis et maîtrisés. Comme le souligne G. Logan (1988a, 1988b), l’automatisation cognitive est une transformation de la manière d’accéder à l’information en mémoire de ces dispositifs de traitements. Le sujet assimile tout au long de l’apprentissage des ressources cognitives nouvelles qui sont des dispositifs de traitement structurés différemment de ceux qui étaient utilisés auparavant (Camus, 1996, pp. 76-77)

Dans le cadre de notre population d’étude nous vérifierons cette capacité à diviser son attention grâce à la maîtrise progressive (effet d’apprentissage) que possède l’enfant dans la tâche d’encodage sériel de données. Une phase perturbatrice suivra pendant la rétention de ces données en vue de leur restitution ordonnée ultérieure (mémoire de travail). Nous rappelons que les enfants TDA rencontrent des difficultés à résoudre des tâches sollicitant les fonctions exécutives. Par ailleurs, étant donné que nos tâches utilisent la présentation des stimuli sous les modalités visuelle et auditive, nous envisageons également d’analyser les résultats à travers les sous-systèmes du modèle de A. Baddeley. Nous nous attendons à ce que les enfants TDA qui affichent un comportement distrait par n’importe quel stimulus, externe ou interne, soient pénalisés dans l’encodage des stimuli présentés visuellement et/ou auditivement.