Chapitre 7. Flexibilité mentale 

La théorie de la flexibilité cognitive est construite à partir des théories constructivistes (Ausubel, 1963 ; Bruner, 1983 ; Piaget, 1977). Elle se focalise sur la nature de l’apprentissage dans les domaines complexes et mal structurés. R. Spiro et J. Jehng (1990) affirment que la flexibilité cognitive est une habileté à restructurer spontanément ses propres connaissances, de plusieurs façons, en réponse adaptée à une situation radicalement différente. Cette fonction dépend à la fois de la manière dont la connaissance est représentée (dimensions conceptuelles multiples plutôt qu’unique) et du processus de l’opération de ces représentations mentales (processus d’assemblage plus que de rappel du schéma intact). La théorie se réfère largement au transfert des connaissances et des savoir-faire à partir de la situation d’apprentissage initiale. L’accent est donc placé sur la représentation de l’information à partir de perspectives multiples. Cette théorie affirme également que l’apprentissage effectif est dépendant du contexte, aussi la consigne a besoin d’être très spécifique. De plus, la théorie souligne l’importance de la construction de la connaissance. On doit donner aux apprenants l’opportunité de développer leurs propres représentations de l’information, associées à leur démarche d’apprentissage. Cette habileté cognitive suppose donc un aspect statique en terme de connaissance de ses propres processus cognitifs, c’est ce qu’on appelle le fonctionnement métacognitif. Elle demande aussi un aspect dynamique, eu égard à l’auto-régulation (Blasset et Slater, 1990).

J.F. Camus (1996) aborde ce concept sous l’angle du contrôle de l’activité. Il explique que les processus attentionnels permettent une flexibilité de l’activité mentale en même temps qu’une résistance à la distraction. Cette flexibilité répond aux réorientations de la focalisation attentionnelle qui sont, soit imposées par des stimuli exogènes, soit endogènes. Cette flexibilité cognitive est expliquée dans le modèle théorique de R. Barkley (1997) mais sous le terme de « Reconstitution ». Ce composant représente deux activités cognitives mutuellement influençables, l’analyse et la synthèse. L’analyse représente l’habileté à saisir l’unité d’une séquence. R. Barkley conçoit cette unité comme un gène de l’ADN. Cette métaphore permet de comprendre les fonctions de l’analyse, à savoir la ségrégation et la recombinaison d’unités en vue d’adopter un comportement adapté à la situation. La capacité de construire de nouvelles combinaisons pour étayer de nouveaux comportements sollicite le processus de synthèse, J. Bronowski (Barkley, 1997 ; p187). R. Barkley élargit la conception de J.Bronowski en affirmant que les fonctions d’analyse et de synthèse apparaissent aussi bien dans le langage humain que dans les formes non verbales du comportement moteur plus ou moins fin. J.F. Camus (1996) souligne les limites à respecter pour un fonctionnement efficace de ce processus. En effet, il ajoute qu’il est certes nécessaire que la flexibilité intervienne dans la résistance à la distraction perturbatrice mais aussi, que cette résistance s’exerce en tenant compte d’effets imprévus ou de données nouvelles. Ainsi, le maintien cohérent d’une activité mentale orientée vers un but implique un équilibre souple entre deux processus dont les effets sont antagonistes : la flexibilité cognitive et la résistance à la distraction. On peut alors définir le contrôle attentionnel de l’activité comme un ensemble de processus impliqués dans la gestion de cet équilibre (Camus, 1996, p.82). Ainsi, sa conception rejoint celle de R. Barkley lorsque celui-ci souligne le rôle important de l’inhibition qui favorise les fonctions analytiques et globales. Ces fonctions interviennent dans la recherche de données pertinentes, archivées dans les apprentissages antérieurs, pour créer de nouvelles données efficientes. Ces nouvelles réponses pour la résolution d’un problème notamment sont en quelque sorte des « simulations de comportements » qui sont construites et testées avant d’être éventuellement sélectionnées pour la réponse (Dehaene et Changeux, 1995, in Barkley, 1997, p. 188). R. Barkley cite A. Damasio (1994, 1995, p.188) pour compléter la définition de ce processus. Ces comportements sont sélectionnés dans le répertoire personnel de l’individu en partie en tant que marqueurs somatiques ou affectifs/motivationnels associés qui délimitent le choix décisionnel et indiquent les conséquences des options sélectionnées.