7.1. Etudes révélant un défaut de flexibilité mentale

L’étude de D. Bayliss et S. Roodenrys (2000) montre que les enfants qui présentent des troubles de l’attention avec hyperactivité (n = 15) se retrouvent systématiquement en difficulté dans des tâches qui requièrent l’inhibition de réponses à forte valence et une flexibilité cognitive par rapport aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage (n =12) et des enfants contrôles (n = 15). Les enfants des trois groupes sont appariés selon l’âge (âgés entre 8 et 12 ans) et le Quotient Intellectuel. Ces auteurs ont utilisé une tâche considérée comme très efficace pour dissocier les enfants présentant uniquement des troubles attentionnel et d’hyperactivité des enfants présentant d’autres troubles associés à des difficultés d’apprentissage (Jong & Das-smaal, 1990). Il s’agit du test « Star Counting Test » (SCT). Il mesure la capacité à inhiber certains comportements acquis au cours de l’épreuve. Par conséquent, il sollicite le contrôle attentionnel, encore appelé Superviseur Attentionnel par D. Norman et T. Schallice (1986) ou Exécuteur Central par A. Baddeley et G. hitch (1974). Ainsi, un dysfonctionnement du superviseur attentionnel entraîne une inhabileté à alterner de façon flexible entre les différentes exigences de la tâche (compter dans des directions différentes). Ceci se manifeste par une baisse de réponses exactes (Das-Smaal, de Jong et Koopmans, 1993 ; de Jong et Das-Smaal, 1990 ; Bayliss et Roodenrys, 2000)

Les résultats de l’étude de M. Kane et al. (2001) soulèvent des questions quant à la difficulté rencontrée par les sujets à faible empan mnésique à abandonner les exigences de la première tâche (traitement contrôlé) pour s’adapter pourtant aux exigences moins coûteuses (traitement automatique qui ne requiert pas ou très peu l’attention) de la nouvelle tâche. Les sujets dont l’empan mnésique est élevé ont pu contrairement aux précédents reconfigurer leur tâche de manière plus rapide. Dans cette étude, il s’agit de tâches visuelles qui demandent un rappel mnésique minimal. Pour expliquer une gestion des données qui manque de flexibilité ou qui exige davantage de temps pour s’adapter aux nouvelles contraintes de la demande, A. Conway, N. Cowan et M. Bunting (2001) ont testé les individus à haut et à faible empan mnésique en situation d’écoute dichotique avec la tâche « cocktail party » (Cherry, 1953). Dans cette tâche les participants répètent silencieusement un message auditif dans une oreille et ignorent le message joué dans l’autre oreille. Ils apprennent à gérer assez bien la tâche et ils sont capables de détecter les caractéristiques physiques du message ignoré (ton de la voix, volume), mais rapportent peu d’informations quant au contenu. A. Conway et al. (2001) ont découvert que lorsque les noms de participants sont joués dans l’oreille distractive, 65 % des participants à faible empan ont rappelé leur nom alors que seulement 20 % des individus à empan mnésique élevé l’ont fait. Ces résultats différents suggèrent que lorsque l’objectif de la tâche consiste à ignorer une source d’information, les individus à haut empan mnésique sont plus performants que les autres. V. Rosen et R. Engle (1998) dans leur étude qui consiste à vérifier l’existence d’une relation entre les capacités individuelles de mémoire de travail et l’habileté à supprimer les stimuli intrusifs arrivent à cette même conclusion. Leurs résultats révèlent que les sujets à haut empan mnésique suppriment les réponses intrusives, provenant d’un premier apprentissage, pendant un nouvel apprentissage ; contrairement aux sujets à faible empan mnésique. Ils ont d’ailleurs proposé comme première épreuve (Rosen et Engle, 1998, p. 421) une série de 12 mots (cue words) dans chacune des trois listes. La première liste de paires d’items a été construite de façon à renforcer les associations intra-paires (ex : bird-bath), « bath » étant le mot à forte valence, tandis que la seconde liste de paires d’items a été construite à partir des mêmes premiers mots mais appariés avec des mots faiblement associés (ex : bird-dawn) et qui devront être rappelés dans un troisième temps. Les auteurs s’attendent ainsi à ce que les mots fortement associés (forte valence) empêchent le rappel des mots nouvellement associés aux premiers de la seconde liste. Autrement dit, lorsque le terme « bird » durant l’apprentissage de la première liste apparaît, le terme « bath » doit survenir rapidement à l’esprit même si la réponse correcte exige le terme « dawn ». Les sujets doivent éviter cet effet intrusif. Les différents résultats obtenus aux tâches de fluence verbale (Rosen et Engle, 1997) et de séries de paires associées (Rosen et Engle, 1998) s’accordent avec l’idée d’un modèle à quatre composants impliqués dans la récupération des données. Le premier composant de ce modèle est un composant qui ne demande pas un contrôle attentionnel contrairement aux trois autres. Il s’agit de l’activation propagatrice automatique qui résulte de la présentation de l’item à forte valence. Le second composant est l’opérateur de surveillance pour des erreurs potentielles. Son rôle est crucial pour s’assurer que la réponse incorrecte ne soit pas vocalisée et ne s’impose avec un rappel oral notamment. Ce second composant issu de l’activation automatique requiert suffisamment de temps pour œuvrer car c’est un processus contrôlé. Le troisième composant est la suppression de l’information récupérée antérieurement. Cette suppression sélective de l’information n’a été vérifiée que chez les sujets à haut empan mnésique. Ces sujets ont pu défaire le lien important entre les paires d’items de la première liste pendant l’apprentissage de la seconde liste de paires d’items contrairement aux sujets à faible empan mnésique. Le dernier composant de ce modèle de récupération est la recherche contrôlée de la bonne réponse après la présentation du mot à forte valence. Ce composant requiert également une attention contrôlée et nécessite un temps suffisant pour œuvrer.

Pour conclure cette partie qui démontre un défaut de flexibilité cognitive chez les personnes possédant un faible empan mnésique, nous rappelons qu’un défaut de motivation (avoir un objectif) enraye la flexibilité cognitive. La motivation et la conscience de soi dans son environnement constituent des conditions indispensables à la construction et à l’organisation de ses connaissances. Suite à nos lectures et à nos observations sur le terrain, le comportement des enfants présentant des troubles de l’attention semble souligner une faille dans la conscience de soi et dans l’estimation de sa propre valeur. Or, ces deux caractéristiques sont relatives à la construction de l’estime de soi, elle-même impliquée dans la motivation.

Nous allons maintenant exposer les caractéristiques du comportement avec des troubles de l’attention suivi des caractéristiques cognitives des enfants appelés TDA avec ou sans Hyperactivité.