12.1.2.5. Relation Parents et Enseignant

Tableau VI : Présence ou absence de relations Parents-Enseignant.
Tableau VI : Présence ou absence de relations Parents-Enseignant.
Figure 14 : Présence ou absence de relations Parents-Enseignant.
Figure 14 : Présence ou absence de relations Parents-Enseignant.

Nous ne sommes pas surpris d’observer que ce sont les familles dont les enfants ne rencontrent pas forcément le plus de problèmes qui se rendent régulièrement à l’école pour échanger avec l’enseignant de leur enfant. Les mères d’enfants TDA qui rencontrent davantage de problèmes relationnels avec leur enfant ne sont que 8 sur 33 à s’entretenir régulièrement avec les enseignants. Ce constat pourrait s’expliquer par la présence d’autres difficultés plus personnelles. D’ailleurs, notre présence régulière au sein des écoles nous a conféré un rôle de médiateur dans l’écoute attentive et empathique de tous les protagonistes (enseignants, parents et enfants). Ce rôle d’interface entre l’école, la famille et l’aspect psycho-cognitif de l’individu a été déterminant dans l’émergence de l’expression et de l’analyse des relations difficiles, incomprises, voire conflictuelles entre les différents partenaires. Il a initié la mise en place des relations parents avec enfants TDA et enseignants. Ce rôle médiateur mérite d’ailleurs que nous nous y attardions pour souligner l’inadéquation existant entre les représentations de la culture scolaire et celles de la culture familiale. Pour approcher cette inadéquation entre les représentations, nous transférons le concept de « perception » du champ neuro-cognitif aux champs psycho-social et psychanalytique. De ce fait, la représentation d’un objet est d’abord associée à sa première perception. Ensuite, la représentation s’autonomise et peut se colorer de différents affects. Ainsi, elle peut agir sans perception tangible de l’objet (Georgieff, 2001). Cependant, cette compétence à agir efficacement ne peut s’effectuer que si le sujet contrôle son attention pour la diriger vers le bon objet identifié et localisé (attention endogène). Dans le champ psychanalytique, nous retrouvons cette première perception dans la première relation du nourrisson avec l’objet « mère » ou « sein », elle-même chargée de sensations. Cette relation est intériorisée progressivement par l’enfant qui fantasme l’objet et lui octroie dans un premier temps, des émotions primaires et dans un second temps, des émotions secondaires. Ces attributions sémantiques s’enrichissent via le langage, la symbolisation (voir fig.1 modèle de Barkley, 1997 notamment). Mais, si ce premier objet n’a pas été suffisamment bon, étayant, pour asseoir une relation fiable et stable, le sujet aura des difficultés à échanger avec autrui sur un mode langagier (voir chapitre 2 sur la motivation et l’estime de soi). En effet, une sensation désagréable non régulée par un agent extérieur, ne peut favoriser une activité relationnelle harmonieuse. J. Bergeret (1990) souligne l’importance de la fonction de pare-excitation apportée par un bon objet (un des parents ou autre figure signifiante) pour aider l’enfant à se structurer émotionnellement et intellectuellement (processus de symbolisation). De ce fait, ces mères qui supportent tant bien que mal leur enfant difficile ont également besoin de rencontrer des personnes étayantes pour agir, remobiliser leur potentiel affectif et cognitif. Il semble que ce sont celles qui paraissent démunies sur le plan représentationnel, sans ressources éducatives qui restent figées dans une situation de désarroi. L’approche psychosociale montre justement l’intérêt de poursuivre cette première relation « émotion-action » en créant d’autres connexions « émotion-cognition » relationnelles grâce au dialogue. Cet échange constructif sur le mode de la pensée est amené par L. Vygotski (1994). Cet auteur montre que les connaissances se construisent à partir d’éléments provenant du socius et sont influencées par les relations (symétrique et asymétrique) présentes dans ces mêmes contextes. Ainsi, si les représentations de l’adulte-enseignant ne se situent pas dans l’espace de compréhension culturelle du parent de l’enfant, aucun partenariat entre ces deux personnes n’est envisageable. C’est la raison pour laquelle les parents des enfants présentant des TDA n’osent pas se rendre auprès des enseignants. Dans le cadre des entretiens, certains de ces parents disent ne pas se sentir entendus dans leur souffrance et que c’est peine perdue, voire humiliant de se sentir « fautif » et jugé de la sorte par l’enseignant.

Au regard de ces résultats, nous ne pouvons faire l’impasse du rôle important des variables culturelle et socio-économique dans le climat délétère des familles avec un enfant TDA. En effet, l’espace inter-représentationnel famille et école doit s’ajuster pour respecter les points de vue de chacun. P. Castella (2003) disait que « l’objectivité de l’un peut devenir obligation pour l’autre lorsqu’il n’y a pas de domaine interculturel ». En cela, nous n’adhérons pas à l’idée d’une aide compensatrice à ces familles. En effet, nous considérons que celles-ci peuvent puiser dans leurs resssources culturelles, créatrices et affectives dans l’élaboration d’échanges éducatifs avec leur enfant. Elles semblent davantage demander une écoute et un regard empathique. La demande de certains conseils vient ensuite naturellement.

De ce fait, nous avons été confrontés tout comme M. Tribhou (1994) et G. Maté (2001), au phénomène de la « dénégation ». Ce concept freudien définit l’acte verbal par lequel un sujet énonce et récuse un état de fait qui s’avère effectif, ce qui révèle une dénégation inconsciente du refoulé. Ce phénomène se traduit par la parole qui fait médiation entre la position du sujet par rapport à son refoulé. Il démontre que le sujet sait ce qu’il dénie par ailleurs (Assoun, 2001). Nous adhérons aux assertions de ces auteurs et de R. Barkley (1997) également, pour lesquels le travail intellectuel nécessite la séparation de l’affect et de la représentation. Comme nous venons de le signaler, notre présence et nos échanges ont favorisé l’émergence de cette représentation chez les parents des enfants TDA et indirectement chez ces enfants. Les mères en particulier, se sont interrogées davantage sur le comportement inadapté de leur enfant. Elles se sont également mises à s’interroger sur leur vie, sur les événements qui ont pu déclencher le comportement inadéquat de leur enfant. Certaines se sont inclues, senties participantes, tandis que d’autres se sont senties impuissantes, étrangères à ce processus d’inadaptation. Il nous apparaît pertinent suite à ce constat, d’étudier cette capacité de réflexion sur soi dans le processus de résilience. Ceci fera l’objet d’une autre étude. Néanmoins, observons le réseau relationnel de ces familles qui, pour une grande part, sont de nature mono-parentales. Cette variable est importante pour vérifier l’existence d’un appui moral, financier… Le fait de se sentir appartenir à un groupe familial notamment, contribue à améliorer le climat de vie en général. En effet, les personnes se sentent reconnues par les leurs, elles ont une place qui compte.