12.2.2. Discussion des résultats

Globalement, les enfants du groupe TDA atteignent des niveaux significativement inférieurs aux niveaux atteints par les enfants du groupe Contrôle pour les facteurs d’E.S Sociale, Scolaire et pour l’E.S Familiale. Leur note d’Estime de Soi Totale est significativement inférieure à celle de l’autre groupe. Cette observation confirme la présentation usuellement faite des enfants TDA qui sont des enfants ayant une une auto-estime peu élevée. Plusieurs explications s’avancent et en premier lieu celle de la qualité d’attachement dans la prime enfance. Des recherches ont d’ailleurs révélé une corrélation entre un étayage parental insuffisant et une estime de soi faible (Coopersmith, 1967 ; Gecas, 1979 ; Rollins et Thomas, 1979). En effet, une interprétation psychanalytique peut tout à fait répondre à ce constat, néanmoins nous constatons que le facteur Familial est celui qui est plus investi par les enfants présentant des troubles de l’attention. Cette observation peut revêtir plusieurs interprétations. Nous choisissons d’avancer l’idée que ces deux groupes d’enfants, homogènes aux niveaux de la structure familiale (fig. 11) et socio-économique (fig. 9), ne possèderaient pas les mêmes figures identificatoires pour évoluer. D’une part, nous envisageons un mode d’investissement de la figure paternelle dépendant de la capacité de l’enfant à élaborer des liens imaginaires ou pas avec son père absent physiquement ou peu présent. D’autre part, il semble que cette capacité soit en lien avec la qualité relationnelle entre la mère et l’enfant. Le recueil de nos résultats indique que cette dernière est plutôt difficile entre les mères et leur garçon TDA (fig. 13). De ce fait, l’enfant, surtout si c’est un garçon, peut souffrir d’un manque d’échanges ludiques, d’un espace inter-subjectif qui l’aide à organiser à un niveau supérieur ses actions sur le réel. Nous manquons malheureusement de données objectives, telles que des épreuves projectives, pour asseoir nos suppositions.

Par ailleurs, au niveau des échelles, les enfants TDA désinvestissent massivement l’école au profit de la famille, alors que nous observons un autre profil chez les enfants non TDA. Nous constatons également que ces derniers investissent plus l’image sociale que les enfants TDA (moyenne TDA : 4,64 et moyenne Contrôle : 5,58 ; p < .010862). Nous pouvons concevoir ces résultats en tant que deux orientations différentes. L’une évolue vers l’extérieur, vers la reconnaissance d’autrui sur soi tandis que l’autre s’oriente vers l’intérieur, vers un repli sur soi. Cette dernière orientation peut traduire une difficulté à se distancier du regard de l’autre. Ainsi, la tendance centrifuge serait le fait des enfants Contrôles, suffisamment confiants dans l’image qu’ils renvoient aux autres alors que la force centripète serait le fait des enfants TDA, dont une auto-estime plus faible n’incite pas à se risquer au dehors. Nous pouvons relier ces deux tendances aux deux fonctionnements primaire et secondaire de la circulation de l’énergie psychique de la théorie psychanalytique freudienne. La qualité de cette circulation est dépendante du niveau d’élaboration affective et cognitive du sujet. A certains moments, l’énergie psychique circulerait de manière chaotique et serait prisonnière des pulsions (mouvement intérieur) chez les enfants TDA (fonctionnement primaire). A l’opposé, cette énergie serait liée permettant une corrélation entre l’affect et la représentation chez les enfants Contrôles (fonctionnement secondaire). En nous intéressant à l’échelle d’Estime de Soi générale et de la note totale d’E.S (réf. Tableau VIII), la différence significative entre les deux groupes permet d’affirmer ces deux tendances. En effet, les auteurs comme K. Dutton et J. Brown (1997) avancent que l’Estime de Soi élevée s’origine dans l’amour inconditionnel des parents envers leur enfant et dans l’attachement sécure avec leur mère (Epstein, 1980). Nous pouvons considérer que l’estimation de sa propre valeur, attribuée uniquement au facteur familial chez les enfants du groupe TDA, traduit une certaine conscientisation de leurs problèmes socio-relationnels. Ainsi, l’enfant TDA est capable de se distancier de sa mère mais pour mieux s’en rapprocher. L’espace nécessaire à l’évolution psychique de son moi semble exiger une relation d’exclusivité. Sa place d’être singulier ne paraît pas suffisamment assise et nécessite souvent un point « d’arrimage ». Bien que n’ayant pas évalué ce degré de représentation, nous pourrions envisager l’idée que ces enfants adoptent un comportement indadapté pour précisément ne pas perturber leur équilibre familial basé sur l’exclusivité. L’excès de leur inattention ou de leur agitation exprimerait une tentative de ne pas courir le danger de vivre un sentiment d’angoisse avec une personne ou un objet extérieur(e) à leur famille. En effet, leur comportement bidirectionnel « emprisonne » leur mère et en même temps exclut tout élément extérieur susceptible de perturber le lien parents-enfant. Ceci exprimerait une certaine fragilité du lien. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de savoir où ces enfants situent le danger qui provoque leur angoisse. Par ailleurs, nous envisageons la possibilité que cette attribution externe ou interne varie en fonction de la présence ou pas d’une tierce personne permettant un espace identificatoire et relationnel à l’enfant. Ainsi, cette angoisse peut provenir de l’extérieur ou de l’intérieur selon le temps, l’espace où se trouve le sujet TDA mais également du vécu de ses affects. Comme nous l’avons présenté antérieurement, la labilité de ses émotions le pousse sans-doute à solliciter outrageusement sa mère pour vérifier ce lien qui les unit. De cette confrontation, souvent conflictuelle, l’enfant paraît se reconstituer jusqu’à la prochaine, moment où ses émotions le submergent de nouveau. Nous ajoutons, que cette confrontation n’est pas toujours le fait des enfants les plus agités, elle peut surgir suite à un nombre important de fois où l’enfant inattentif oublie ses affaires, n’écoute pas, ne prête pas attention aux demandes de la personne qui l’entoure, notamment sa mère ou son professeur d’école.

Pour clore cette partie descriptive de notre échantillon, nous relativisons le niveau d’auto-estime des enfants TDA qui n’est somme toute pas très bas (classe 3 sur 5). Ce niveau peut laisser présager une capacité à rebondir chez ces enfants ainsi qu’une dépendance affective renvoyant à une relation d’exclusivité à un membre de leur famille. Nous allons d’ailleurs vérifier cette dépendance au niveau de leur manière de traiter les informations grâce à une batterie de tests cognitifs qu’est le K. ABC. Nous nous attendons à observer une dépendance à ce qu’ils voient ou à ce qu’ils entendent sans opérer un contrôle sur leur raisonnement.