12.3.1.7. Discussion des résultats concernant les connaissances acquises

La supériorité du groupe Contrôle sur l’ensemble des subtests de l’Echelle de Connaissances est indéniable.

Il est plus intéressant d’observer l’ordre croissant de réussite des subtests dans chacun des deux groupes. En effet, nous constatons qu’il diffère d’un groupe à l’autre.

Le groupe TDA privilégie les subtests à forte composante Lecture avec de meilleures réussites à « Lecture et Compréhension » et à « Lecture et Déchiffrement ». Ces subtests ont un support visuel et ne mobilisent pas la mémoire de travail. Nous émettons à ce niveau une remarque concernant ces scores et ceux obtenus dans l’étude de D. Petot (1999). Ces scores sont similaires aux nôtres uniquement pour « Personnages et Lieux Connus » et « Devinettes ». En revanche leurs scores sont inférieurs aux nôtres de 4 points pour le subtest « Lecture et Déchiffrement » et de 10 points pour le subtest « Lecture et compréhension ». Le phénomène s’inverse pour le subtest « Arithmétique » où ils sont supérieurs de 4 points. Ces résultats s’expliquent par la constitution de leur groupe hyperactif. En effet, les trente et un enfants hyperactifs de cette recherche sont essentiellement des garçons. Revenons maintenant à notre étude.

Le groupe Contrôle, contrairement au groupe TDA privilégie les apprentissages déjà acquis qui sollicitent la mémoire de travail. En effet, il est performant aux subtest « Arithmétique » et « Devinettes ». Les subtests à composante Lecture sont également bien réussis. Seul celui à forte composante Verbale et culturelle (Personnages et Lieux Connus) est nettement moins réussi par rapport aux autres subtests.

Au regard de ces résultats et de la lecture des études menées par J. Anderson (1982), R. Kamphaus (1994) et M. Bernoussi, A. Khomsi, A. Florin (2001), il semblerait que les enfants TDA sont encore en cours d’acquisition des savoirs concernant le domaine de l’arithmétique, en particulier. Le domaine de la lecture est acquis bien que le niveau des scores soit significativement inférieur à celui des scores des enfants Contrôles. Par ailleurs, les subtests de l’échelle Séquentielle sont moins corrélés que ceux des autres échelles à celle des Connaissances.

Etant donné que l’âge n’est pas une variable qui différencie les deux groupes, nous pouvons émettre l’idée d’un développement psycho-cognitif plus lent chez les enfants TDA par rapport aux enfants Contrôles. La mémoire de travail qui est un facteur impliqué dans les subtests « Arithmétique » et « Devinettes » semble moins coûter cognitivement au Groupe Contrôle qu’au Groupe TDA. Les enfants avec des troubles de l’attention semblent se trouver encore dans une phase d’acquisition alors que les enfants sans troubles de l’attention semblent se trouver plus proches de la phase d’automatisation des savoirs (Anderson, 1982).

Comment alors expliquer chez les sujets TDA le décalage existant entre la maîtrise de la lecture et la maîtrise des opérations arithmétiques ? Nous pouvons avancer l’idée que les filles TDA étant exceptionnellement plus performantes que les filles Contrôles et que les garçons TDA dans les subtests sériels verbaux (« Mémoire Immédiate des Chiffres » et « Suites de Mots ») des P.M.Séquentiels se sentent à l’aise dans l’analyse et le renforcement des habiletés acquises en lecture. D’autre part, nous avons constaté dans l’analyse des processus mentaux composant le K. ABC que les processus séquentiels étaient significativement mieux réussis par les filles TDA alors que les garçons TDA, les filles et garçons Contrôles ne privilégiaient aucun type de traitement cognitif des données. Or, l’hypothèse de M. Bernoussi et al. (2001) consiste à dire que les processus cognitifs contribuent de façon importante à la réussite de l’échelle des Connaissances. Les résultats de leur étude indiquent que ce sont surtout les processus séquentiels qui contribuent à l’explication d’une large part de la variance observée dans les scores à l’échelle des Connaissances (50 % en moyenne). Rappelons que les sujets de leur étude longitudinale (sur trois ans) sont âgés en moyenne de 4,2 ans (écart type : 0,4). Ces auteurs ajoutent que ce résultat est prédit par leur hypothèse dans la mesure où la plupart des processus impliqués dans les acquisitions mettaient probablement en jeu des traitements séquentiels. Or nos enfants sont âgés de 9 ans en moyenne et la lecture est acquise par tous les enfants (réf. Tableau XXIII). Par ailleurs, J. Anderson (1982) notamment, démontre précisément dans un modèle computationnel l’acquisition des habiletés cognitives. Il décrit les étapes de cette acquisition. Elle en comporte trois dont la première obéit à un traitement analytique et séquentiel, la seconde étape correspond à une acquisition des habiletés en cours et peut rencontrer des erreurs de résolution alors que la troisième concrétise l’acquisition et l’application finales des connaissances. La première, déclarative, est médiatisée par la verbalisation. L’apprenant répète l’information en mémoire de travail pour la maintenir accessible dans la mise en place d’un réseau de propositions, d’interprétations abstraites. Cette étape correspond au sous-système « Boucle phonologique » du modèle théorique de A. Baddeley ainsi qu’au stade de la mémoire de travail verbale de R. Barkley. La seconde, est une étape de transition entre la première et la dernière. Avec la pratique, la connaissance est convertie dans une forme procédurale dans laquelle elle est directement appliquée. Cette étape appelée compilation de connaissances inclut des sous-étapes de généralisation, de discrimination et de renforcement. Elle correspond en fait à une recherche sélective de règles qui gagne en efficacité et en rapidité. Les deux premières conduisent à une métarecherche des règles de production, elles recherchent les meilleures caractéristiques pour limiter l’application de ces productions. La consolidation évalue ces différentes limites en renforçant les règles les plus pertinentes. La dernière étape consiste en la mise au point de la connaissance en respectant un processus d’amélioration et d’accélération croissant. Elle correspond d’ailleurs à la phase de « reconstitution » du modèle théorique de R. Barkley (1997). C’est l’étape procédurale où les faits sont encodés en tant que productions qui gardent toute capacité d’attention partagée et de contrôle.

Dans notre étude, il semble que ce soit davantage un problème de moindre capacité de mémoire de travail chez les enfants qui rencontrent des troubles de l’attention. Les filles avec TDA se maintiendraient, voire se réfugieraient dans leurs domaines de compétences déjà acquis et consolidés. Elles se situeraient au niveau de la première étape du modèle d’acquisitions des habiletés de J. Anderson ou encore au niveau de la seconde étape du modèle de R. Barkley dans laquelle l’auto-motivation et /ou des états de conduite positive seraient défaillants chez elles. Sur un plan psychologique, tout se passe comme si ces enfants ne pouvaient surmonter leurs émotions ou encore étaient encore trop dépendants des stimuli externes tandis que les enfants du groupe contrôle se situeraient à la dernière étape. Les garçons TDA présentent un profil de notes (profil cognitif homogène) qui se trouverait dans le modèle de J. Anderson au niveau de l’étape intermédiaire mais avec un niveau d’efficience inférieur à celui atteint par les enfants qui ne présentent pas de problèmes de comportement attentionnel.

L’ensemble des mesures psycho-sociales et cognitives que nous venons d’explorer nous permet de construire une certaine représentation du comportement des enfants TDA qui participent à notre étude. Celle-ci élaborée à partir de plusieurs caractéristiques (relations parents-enfant plus conflictuelles, relations parents–enseignant moins fréquente, niveau d’estime de soi et de profil au K.ABC moins élevés par rapport au groupe Contrôle) nous incite à penser que le processus de résilience n’est pas facilité. Nous allons maintenant remanier cette représentation sur un plan psycho-cognitif avec le protocole expérimental mis en place pour répondre aux trois hypothèses opérationnelles.