13.3. Résultats

13.3.1. Analyse des résultats.

L’analyse de la variance pour l’ensemble des facteurs, Groupe [TDA vs Contrôle] x Sexe [Garçon vs Fille] x Temps de latence [5 secondes vs 90 secondes] x Condition [Individuelle vs Collective] x Tâche [Suites de chiffres vs Suites de mots] x Mode de Présentation [Visuelle vs Auditive] avec mesures répétées sur les quatre derniers facteurs, révèle cinq effets principaux simples : Groupe ; Temps de latence ; condition ; tache ; modalite sensorielle  et dix effets principaux combinés : groupe x temps de latence ; Temps de latence x tache ; condition x tache ; groupe x modalite sensorielle ; temps de latence x modalite sensorielle ; tache x modalite sensorielle ; temps de latence x condition x tache ; temps x tache x modalite ; groupe x sexe x temps x modalite sensorielle.

L’effet Groupe avec F (1,62) = 37,651 ; p < .000001. Les scores du groupe TDA (moyenne = 3,756) sont significativement inférieurs aux scores du groupe Contrôle (moyenne = 5,046).

En observant l’analyse des contrastes avec l’interaction Groupe x Sexe proche de la significativité, F (1,62) = 3.042 ; p = .086085 nous nous apercevons que les garçons TDA (moyenne = 3,43) constituent le groupe dont les performances sont nettement les plus faibles

  • Par rapport aux performances des garçons Contrôles (p <. 00001) ;
  • Par rapport aux performances des filles Contrôles (p = .00002) ;
  • Par rapport aux performances des filles TDA (p = .032415).
Tableau XXV : Scores intra et inter groupes.
Groupe Sexe Moyenne/7 (écart type)
TDA Garçon 3,431* (1,9)
TDA Fille 4,081* (1,7)
Contrôle Garçon 5,087 (1,6)
Contrôle Fille 5,005 (1,5)
*p < .05

Nous constatons que les filles TDA (moyenne = 4,08) ont des performances significativement inférieures

  • Aux garçons Contrôles (p = .001244),
  • Aux filles Contrôles (p = .006427).

Nous pouvons faire la synthèse suivante :

Garçons TDA < Filles TDA < Filles Contrôles = Garçons Contrôles.

L’effet temps de latence avec F (1,62) = 24.135 ; p = .000007 révèle que les scores obtenus à une restitution différée de 5 secondes (moyenne = 4.615) sont significativement supérieurs aux scores obtenus à une restitution différée de 90 secondes (moyenne = 4.187).

L’effet condition avec F (1,62) = 31.431 ; p =.000001 montre que les scores en passation Collective (moyenne = 4.821) sont nettement supérieurs aux scores obtenus en condition Individuelle (moyenne = 3,981). Ce résultat confirme un effet d’apprentissage d’une condition à l’autre.

L’effet Tâche avec F (1,62) = 8.521 ; p = .004886 révèle que le rappel ordonné des suites de chiffres (moyenne = 4.261) est significativement moins réussi que le rappel ordonné des suites de mots (moyenne = 4.541).

L’effet Modalité avec F (1,62) = 24.063 ; p = .000007 montre que les items présentés sous une modalité visuelle sont nettement mieux rappelés que les items présentés sous une modalité Auditive.

L’effet Groupe x Temps de latence avec F (1,62) = 6.301 ; p = .014689 révèle que

  • Les enfants TDA obtiennent un score en restitution différée de 5 s (moyenne : 4.08) supérieur au score obtenu en restitution différée de 90 s (moyenne : 3.43).

Nous remarquons qu’en dépit de l’effet d’apprentissage dû au phénomène de répétition, ce groupe reste sensible à l’effet de latence.

  • A l’opposé, nous n’observons pas cette différence chez les enfants Contrôles, même si elle tend à l’être à p = .087104. En effet, la moyenne 5 s (moyenne : 5.15) est supérieure à la moyenne 90 s (moyenne : 4.94)

Ainsi, les enfants du groupe Contrôle bénificient d’un meilleur apprentissage que les enfants du groupe TDA.

Voyons maintenant, si en répétant les mesures d’une condition à l’autre, l’effet d’apprentissage qui se remarque déjà chez les sujets Contrôles avec la variable temps de latence s’observe chez les sujets TDA.

L’effet groupe x modalité avec F (1,62) = ; p = .025557 montre que

  • Chez les enfants TDA, la modalité Visuelle est presque supérieure à la modalité Auditive à p = .062914 tandis que
  • Chez les enfants Contrôles, elle est significativement supérieure à la modalité Auditive à p = .000002.

Si nous observons l’interaction Modalité et Temps de latence :

L’effet Temps de latence x Modalité , F (1,62) = ; p = .009622 révèle que

  • La Modalité Auditive est nettement plus efficiente dans un temps d’interférence plus court (5 s.) : moyenne 5s. (4.51) > moyenne 90 s. (3.87).
  • En revanche, il n’y a pas de différence pour la Modalité Visuelle. Cependant nous notons une forte tendance à P = .06 en faveur du délai d’interférence plus court (5 s.)

Voyons si cette tendance n’est pas expliquée par une différence inter groupes.

L’effet Groupe x Temps de latence x modalite sensorielle avec F (1,62) = 3.545 ; p = .064405 tend à être significatif.

  • Nous observons que la Modalité Visuelle est aussi performante dans les deux temps de latence pour les sujets Contrôles à p = .361 alors qu’une différence tend à être observée pour les sujet TDA, le score obtenu au bout de 5 s étant plus performant que le score obtenu en 90 s, p = .089.
  • Nous observons que la Modalité Auditive permet d’obtenir des scores nettement plus performants pour le temps d’interférence court (5 s) chez les enfants TDA à p < .000001 alors que cette supériorité tend seulement à l’être chez les enfants Contrôles, p = .090478.

Ainsi, ce sont surtout les enfants avec des troubles de l’attention qui subissent le plus l’effet de Modalité Sensorielle associé au Temps d’interférence. Nous commençons à voir un profil émerger chez ces enfants. En effet, il apparaît que l’apprentissage se fait plus lentement chez les sujets TDA.

L’effet Modalité Sensorielle x Tâche avec F (1,62) = 31.639 ; p< .000001 révèle que

  • Les Mots présentés Visuellement (moyenne = 4.99) sont significativement mieux rappelés que les Mots présentés Auditivement (moyenne = 4.088), p = .00001.
  • Il n’existe aucun effet de Modalité pour les données numériques, p = .534813.
  • Nous observons une supériorité des Mots présentés Visuellement par rapport aux
    • Mots présentés Auditivement, p < .000001 ;
    • Chiffres présentés Visuellement, p < .000001 ;
    • Chiffres présentés Auditivement, p < .000001.

L’effet Temps x Condition x Tâche avec F (1,62) = 15.897 ; p = .000179 montre

  • qu’en ce qui concerne les Chiffres :
    • Temps d’interférence de 5 s : Il n’y a pas de différence de restitution entre les deux conditions à p = .282086.
    • Temps d’interférence de 90 s : Il y a une différence marquée entre la restitution en Condition Collective qui est supérieure à la restitution en Condition Indivivuelle. Cette différence confirme un effet d’apprentissage, p < .000001.

En ce qui concerne les Mots :

  • Temps d’interférence de 5 s : Différence notable qui se traduit par une supériorité de restitution verbale en condition Collective par rapport à la Condition Individuelle.
  • Temps d’interférence de 90 s : Cette différence se poursuit et se consolide. Les mots sont toujours significativement plus rappelés en Condition Collective qu’en Condition Individuelle, p = .000004.

A ce stade, nous affirmons que l’effet d’apprentissage opère plus rapidement et est plus efficace pour les Mots que pour les Chiffres.

Regardons le profil qui se dessine au niveau des temps de latence.

  • Temps d’interférence 5 secondes :
    • Les Chiffres restitués en Conditions Individuelle et Collective sont significativement mieux rappelés que les Mots en Condition Individuelle à p <.0006.
  • Temps d’interférence 90 secondes :
    • les Chiffres restitués en Condition Collective sont mieux rappelés que les mots restitués en condition Individuelle à p =.039807.
    • Mais pour la même Condition (Collective) la restitution des données numériques est nettement moins élevée que celle des Mots à p = .004502 ;
    • Et toujours en respectant la même Condition, les Chiffres en Condition Individuelle obtiennent un score significativement plus bas que le score des Mots obtenu en Condition Individuelle à p = .000017.

Ces résultats soulignent un effet d’apprentissage en particulier pour les séquences de Mots. Ces derniers, en étant plus concrets que des données numériques facilitent la construction de représentations mentales qui à leur tour, favorisent une meilleure récupération. Nous remarquons que la Modalité de présentation Visuelle favorise cet encodage et cette récupération.

En revanche, les séquences de Chiffres sont plus sensibles à l’allongement du temps d’interférence. En effet, elles perdent leur supériorité par rapport à celles des Mots, en rappel différé de 90 secondes et dans les deux conditions.

Dans la partie discussion, nous discuterons de cette association entre Modalité de présentation des items et Nature des items à l’orée des modèles de A.Baddeley (1986), de F. Craik et R. Lockhart (1972), de D. Kahneman (1973) et de N. Burgess et G. Hitch (1999).

L’effet Temps x Condition x modalite sensorielle avec F (1,62) = 10.380 ; p = .002030 montre qu’avec

  • Un Temps d’interférence de 5 secondes :
    • la Modalité Visuelle obtient des scores plus élevés en Condition Collective que dans l’autre Condition de restitution, à p < .000001 ;
    • La Modalité Auditive obtient des scores plus élevés en Condition Individuelle, p = .000085.

Les deux séquences verbales s’améliorent d’une condition à l’autre.

  • Temps d’interférence de 90 secondes :
    • Nous observons le même profil avec p = .000108 pour la Modalité Visuelle et p < .000001 pour la Modalité Auditive.
  • Concernant l’effet d’interaction entre les trois facteurs, Temps, Condition et Modalité :
    • La restitution en Condition Collective, dans un délai court (5 s.) et avec une présentation Visuelle des stimuli augmente la performance. En effet, la réunion de ces trois conditions permet d’obtenir un score significativement supérieur à ceux obtenus avec un temps de latence de 90 secondes, quelle que soit la condition de restitution et quelle que soit la modalité de présentation à p < .0304.
    • La supériorité de ces trois conditions réunies se vérifie également pour tous les scores obtenus dans un temps de latence court, à p < .0401.

L’effet Temps x Tâche x Modalite avec F (1,62) = 16.416 ; p = .000144 nous permet de constater qu’avec la

  • Comparaison des temps d’interférence 5 secondes vs 90 secondes pour les Suites de Chiffres :
    • Nous observons que les chiffres sont plus difficilement rappelés en Modalité Visuelle avec un temps d’interférence allongé (90 s) à p = .0521 alors qu’en Modalité Auditive, la différence est très significative au profit du temps plus court (5 s) à p < .000001.

Ainsi, nous concluons sur le fait que lorsque le temps d’interférence augmente, la Modalité Auditive perd de son efficacité pour le rappel séquentiel des Chiffres par rapport à la Modalité Visuelle.

  • Comparaison des temps d’interférence 5 secondes vs 90 secondes pour les Suites de Mots :
    • Il n’y a pas d’effet de temps d’interférence pour le rappel séquentiel des Mots, quelle que soit la Modalité de présentation, (p = .270974 pour temps de latence court et p = .930697 pour temps de latence plus long).

De la sorte, nous pouvons affirmer que les Mots sont moins sensibles que les Chiffres aux effets combinés : durée d’interférence et modalité de présentation.

Nous terminons par l’analyse du dernier effet principal, il s’agit de l’effet combiné :

Effet Groupe x Sexe x Temps x Modalité avec F (1,62) = 7.07556 ; p = .009933.

Analysons d’abord les groupes séparément avant de réaliser une comparaison entre les garçons et les filles.

  • Les garçons avec TDA.
    • Temps d’interférence de 5 secondes :

Il n’existe pas de différence entre les deux modes sensoriels de présentation des stimuli à p = .16.

  • Temps d’interférence de 90 secondes :

La différence entre les deux modalités de présentation des stimuli est presque significative à p = .059587. La présentation Visuelle tend à faciliter un meilleur rappel de suites d’items. Ce résultat est cohérent avec le fait que le rappel de suites de chiffres est pénalisé avec un allongement du temps d’interférence.

  • Les Filles avec TDA.
    • Temps d’interférence de 5 secondes :

La Modalité de présentation Auditive des suites d’items favorise plus nettement le rappel ultérieur que la Modalité Visuelle, p = .025.

  • Temps d’interférence de 90 secondes :

Comme attendu, la Modalité de présentation Visuelle des suites d’items améliore significativement le rappel différé par rapport à la Modalité Auditive, p = .005727.

  • Comparaison entre les garçons et les filles du groupe TDA.
    • Temps d’interférence de 5 secondes :

La Modalité Visuelle ne différencie pas les scores obtenus par les garçons et les filles.

En revanche, la Modalité Auditive les différencie à p = .000042 en faveur des filles.

  • Temps d’interférence de 90 secondes :

Une supériorité de la Modalité Visuelle s’affiche à p = .000128 pour les filles. Elles sont plus performantes que les garçons (moyenne filles = 4.19 contre moyenne garçons = 3.26).

Cette supériorité se vérifie également pour la Modalité Auditive à p = .023377 toujours en faveur des filles (moyennes = 3, 4 contre 2.88 pour les garçons).

  • Les Garçons Contrôles.
    • Temps d’interférence de 5 secondes :

La Modalité Visuelle donne des scores plus élevés que la Modalité Auditive à p : .034114.

  • Temps d’interférence de 90 secondes :

Nous observons le même profil à p = .000339.

  • Les Filles Contrôles.
    • Temps d’interférence de 5 secondes :

Nous conservons les mêmes résultats que ceux observés chez les garçons à p = .011319.

  • Temps d’interférence de 90 secondes :

Nous observons encore le même profil à p = .029610.

  • Comparaison entre les garçons et les filles du groupe Contrôle.
    • Temps d’interférence de 5 secondes :

Les filles ne se distinguent pas des garçons en ce qui concerne la présentation Visuelle des séries d’items (p = .73234). Il en va de même pour la présentation Auditive des séries d’items (p = .201).

  • Temps d’interférence de 90 secondes :

Nous conservons le même type de résultats. Les filles ne se distinguent pas des garçons en ce qui concerne la présentation Visuelle des séries d’items (p = .68) et la présentation Auditive des séries d’items (p = .55).

Nous constatons que le groupe TDA est moins performant en Modalité Visuelle que l’autre groupe (p < .00001), surtout les filles TDA lorsque le temps d’interférence est le plus court (p < .000001). En revanche, lorsque ce temps s’allonge, la présentation Visuelle des items l’emporte de manière significative chez elles (p = .002527) et presque significativement chez les garçons TDA (.059587).

Le groupe des sujets Contrôles, quant à lui, apparaît plus homogène que les sujets du groupe TDA. Les enfants du premier groupe investissent plus rapidement l’encodage visuel des stimuli qui s’avère plus efficace dans le rappel différé. En revanche, les enfants TDA, accusent un retard dans cet investissement. Ces enfants, en particulier les garçons, semblent se raccrocher à un encodage Auditif des données qui n’opère plus aussi bien lorsque le temps d’interférence s’allonge.