16.1.3. Portrait de l’enfant

(Entretien avec la mère)

Maya souffre d’énurésie mais n’est pas traitée pour ce problème. Sa mère et sa tante avaient ce même problème jusqu’à l’âge de 11, 12 ans. Apparemment, la mère et la fille gèrent assez bien cet inconvénient.

Maya pratique du sport toute la journée du mercredi. Son niveau est assez moyen du fait d’une certaine maladresse corporelle (mauvaise latéralité).

A la maison, elle est incapable de rester seule, il lui faut toujours sa mère à ses côtés même lorsqu’elle lit un livre. Elle s’ennuie assez facilement et s’en plaint auprès de sa mère.

Elle ne veut rien ranger et perd souvent ses affaires (lunettes, stylos). Dernièrement, elle a laissé son blouson dans le car après avoir déjà oublié ses gants, son goûter, etc... Elle oublie facilement ses travaux scolaires. Elle est également très inattentive dans ses devoirs d’école.

Maya est une petite fille impulsive, elle interrompt souvent les autres et est impatiente pour attendre son tour. Elle se tortille toujours sur sa chaise. Sa mère lui interdit de se lever de table lorsqu’elles sont toutes les deux à la maison. Mais lorsqu’il y a du monde, les règles sont vites transgressées. Maya ne tient plus compte des règles sociales.

Cependant, elle parvient à se tenir calme lorsqu’elle et sa mère se rendent quelque part alors qu’auparavant elle courait de partout. Il fallait constamment la surveiller.

A l’école :

Maya est toujours la première à rire des bêtises des autres. Elle se fait souvent réprimander par son professeur d’école et fait semblant de ne pas être atteinte par les remarques de celui-ci. Il lui arrive souvent de prendre des fous rires après s’être faite disputée par un adulte. Elle se plaint de trop travailler à l’école. Ne fait pas ses devoirs scolaires en dépit des sanctions qui en découlent. Il faut noter que son instituteur la fait travailler avec d’autres enfants dans son cas, pendant que les autres élèves pratiquent une autre activité scolaire.

Elle aime beaucoup chanter, connaît plusieurs chansons par coeur et les apprend sans aucune difficulté alors qu’elle ne maîtrise pas sa table de multiplication. Elle a aussi appris tous les rôles de ses camarades en plus de son propre rôle pour une pièce théâtrale. Elle transcendait dans son rôle lors de la représentation générale.

Ses résultats scolaires sont moyens, au-dessous de ses capacités.

Maya est bien acceptée en classe en dépit de relations tumultueuses avec ses pairs. Elle a un peu le rôle de la fille qui n’a pas froid aux yeux, qui fait rire les autres. Elle aime faire de l’esprit dans les moments inappropriés.

Histoire de l’enfant :

Maya avait 5 ans aux décès successifs de son père et de son arrière grand-mère paternelle.

Maya a été vivement marquée par ces deux décès et a accusé sa mère d’en être la cause.

Les parents de Maya étaient séparés à cette période. Le père, marginal et sans profession, s’était réfugié auprès de sa grand-mère qui avait coutume de le choyer. Après le décès de celle-ci, le petit-fils ne tenait plus à la vie et se suicida peu de temps après.

Mère de Maya en parlant de son ex-conjoint :

- “ Il m’avait toujours parlé de vouloir se suicider le jour où sa grand-mère mourrait ”

Après cet épisode, la mère de Maya s’est sentie coupable (sa fille et sa belle famille lui reprochant d’être la cause de ce suicide). Elle ne maintient depuis que des liens de conventions sociales avec sa belle famille. Elle a été et est toujours suivie par un psychiatre qui l’a aidée à se déculpabiliser et à reprendre confiance en elle.

Les relations entre la mère et la fille commencent depuis cette année à aller mieux (quatre ans se sont écoulés depuis le décès du père).

Deux ans auparavant, Maya pouvait dire à sa mère que si elle le souhaitait, elle pouvait la pousser du trottoir et la voir se faire renverser par une voiture :

- “ Comme ça, pour voir ”.

Histoire de la mère :

Vécu de la grossesse :

La mère n’a pas eu le temps de se reposer. Sensation de toujours être active et fatiguée par tant de tâches à accomplir. Elle dit ne se souvenir que du début et de la fin de sa grossesse :

- “ Mon mari ne voulait jamais sortir seul le soir. Il fallait toujours que je sois à ses côtés. Il dormait le jour et adorait vivre le soir. “

- “ Mon mari avait ramené un jour un gros chien, dans un appartement ! Evidemment il ne s’en occupait pas et c’était encore à moi de le sortir alors que j’étais enceinte de huit mois et demi !

Elle dit ne pas avoir vécue une grossesse épanouie. Elle ne voit cette situation de plénitude que dans les films. Elle n’envie pas les autres femmes qui sont enceintes.

C’est une femme qui est heureuse le jour de ses menstruations. Elle est très soucieuse de son corps. D’ailleurs elle ajoute qu’elle a appris à écouter les signes de son corps.

Elle me fait part de sa dernière observation. Elle vient de découvrir que ses états de surexcitation, d’impatience et d’extrême nervosité apparaissaient systématiquement 15 ou 14 jours avant son cycle menstruel. Le psychiatre a enfin pu diagnostiquer un trouble hormonal et la soigne en conséquence.

L’entretien se poursuit autour de son corps.

Adolescence :

Elle a été hospitalisée à son adolescence car elle était anorexique :

“ Je ne pouvais pas avaler une simple frite “.

Actuellement, elle vérifie tous les jours dans le miroir si ses côtes restent apparentes :

“ Je dois les voir sinon, ça ne va pas “.

Elle mange pour vivre, dit-elle. Elle se force à manger car elle a appris à préparer des repas équilibrés.

Malheureusement, elle doit systématiquement préparer un autre repas pour sa fille qui refuse de manger comme elle. Elle cède à sa fille de peur qu’elle ne devienne comme elle, (anorexique s’entend).

D’ailleurs, pour pallier cette crainte, sa fille est inscrite à la cantine scolaire.

Enfance :

Les parents étaient séparés. Le père était devenu violent à cause de son alcoolisme. Il ne la reconnaissait pas comme sa propre fille parce qu’elle était née pendant les deux ans de totale séparation avec sa femme. (Elle porte le nom paternel cependant) :

- “ Il m’a même crachée à la figure pour me renier “

- “ Ma mère m’a jurée que j’étais bien leur fille “.

La mère de Maya a donc vécu sans père. La mère se devait être autoritaire, surtout envers ses filles (culture maghrébine). Il y avait de fortes pressions psychologiques au niveau de la sexualité (elle n’a commencé à fréquenter un garçon qu’à partir de 24 ans).

Elle ajoute aussi qu’elle en veut à sa mère de lui avoir asséné un trop plein de superstitions :

- “ Maintenant, à chaque fois que j’entends une superstition je dis que ma tête en est remplie et qu’il n’y a plus de place pour de nouvelles superstitions. Je ne peux plus vivre à cause de ces idées. “

Elle puise sa force dans la prière. Elle dit posséder la foi, c’est ce qui la maintient face à l’incompréhension des autres. Elle se rend de temps en temps à la mosquée pour prier et rencontrer d’autres femmes. Cependant, elle ajoute que ce lieu ressemble à une secte :

- “On ne peut plus parler avec qui l’on veut. Il y a des groupes de femmes qui se forment. Bref, c’est comme partout, elles ne sont ni pires ni meilleures que les autres. “

Elle a besoin de rire, de voir des choses gaies autour d’elle. Elle adore l’humour. Elle déplore qu’à la télévision les émissions soient souvent inintéressantes et que les films soient si souvent violents et tristes :

- “ Le problème c’est qu’on a pas le choix avec la télévision “.

Propos concernant sa fille :

Elle estime qu’enfant, elle était pire que sa fille pour les caprices. Elle hurlait, pleurait si elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait.

- “ Toute petite, je m’accrochais à la portière de la voiture de mon grand frère qui partait “.

Elle ajoute que tout comme sa fille, elle est inattentive pour les choses ou les propos qui ne l’intéressent pas.

Elle a des difficultés à imposer son autorité envers sa fille. Si elle tente de lui donner une punition sa fille lui répond qu’elle s’en fiche.

Néanmoins, leurs relations s’améliorent. Elles peuvent enfin s’aimer dit-elle :

- “ Maintenant, je peux l’aimer, avant ... (elle expire).”