16.3.4. Analyse synthétique des différentes données

Au cours de l’entretien, le père de ces enfants est resté dans l’ombre de sa femme. Nous remarquons que son rôle est identique à celui de son fils Cyril tandis que la mère endosse la même position d’ascendance que son autre fils Michel. A ce propos, les deux parents avaient souligné cette dichotomie. Chacun se reconnaît dans l’un des jumeaux. De ce fait, nous observons deux binômes qui éprouvent des difficultés à délimiter leur espace singulier. Michel par exemple tente souvent de se coller à son frère. Cette attitude témoigne d’une reconnaissance de soi dans les yeux de son frère. D’ailleurs, il a toujours besoin d’une autre personne à ses côtés. La mère exige davantage de Michel parce qu’elle dit se sentir la plus sollicitée, la plus éreintée dans cette famille. Les quatre membres de la famille vivent quasiment repliés sur eux-mêmes. Ils semblent ne se sentir tenus que par une équipe soignante extérieure. Nous pouvons penser que ce lien extérieur révèle une absence de contenant. Autrement dit, cette famille, en particulier la mère, se retourne systématiquement vers cette équipe pour lutter contre la dépression, contre tout changement qui viendrait perturber son état d’équilibre précaire. Son équilibre psychique et par conséquent celui de la famille dépend continuellement de cette équipe pluridisciplinaire dont les interventions ont pour fonction de retrouver un état d’équilibre antérieur familier (fonction de réassurance). Nous observons que ce mode de fonctionnement entretient un système familial sur un mode spatio-temporel de type latent en référence à la période de latence dans le développement de l’enfant, dans le sens où aucun changement radical ne se réalise.

Nous avons entendu la souffrance de cette femme d’avoir choisi de devenir mère. D’après les propos tenus par cette mère, emprunts d’impuissance et de regret, nous imaginons facilement sa déception d’avoir enfanté des garçons qui ne lui renvoient pas une image valorisante. Par ailleurs, cette déception peut avoir laissé des traces chez ses jumeaux. En effet, d’après la conception de D. Winnicott, nous savons que le regard mutuel mère-enfant est une phase primordiale dans la constitution du moi de l’enfant. C’est précisément ce premier soutien qui prépare ensuite l’intégration du moi. Or, une incapacité à s’identifier à son enfant nourrisson (état du moi indifférencié) ne peut favoriser un attachement suffisamment secure. Cette femme semble s’être toujours trouvée dans une situation d’impasse avec une attache plus ou moins adaptée à l’équipe de soignants du CMP et auparavant à celle de l’hôpital. Nous pensons que si cette mère rencontre une personne, par exemple un psychologue suffisamment contenant, elle pourra avec l’aide de son mari faire évoluer le fonctionnement de sa famille sur un mode plus mature (mode spatio-temporel de type adulte) qui nécessite par conséquent de traverser une période de crise (mode spatio-temporel de type adolescent). Bien évidemment, les relations des membres de la famille doivent se réorganiser pour s’adapter aux nouvelles exigences et conduites de l’un des membres.