16.7.4. Analyse synthétique des différentes données

Lors de l’entretien avec les deux parents nous n’avons recueilli que très peu d’informations concernant la famille. Nous savons simplement que celle-ci souffre d’un manque d’appui familial. En effet, le reste des membres vivent au pays. La mère de Ghislaine exprime sa solitude à vivre dans un endroit sans support familial. Cette femme avoue également que lorsqu’elle attendait sa seconde fille elle était dans un état de forte anxiété. D’autre part, nous savons que les relations du couple sont assez labiles. Nous percevons que l’équilibre familial a nécessité plusieurs réajustements. Le climat semble s’être stabilisé à l’heure où nous les avons rencontrés. Un espoir de nouveau départ se faisait ressentir. En tenant compte de ces quelques éléments, assez ténus, nous pouvons nous interroger sur l’impact de multiples départs et retours d’un père à la maison sur les relations entre le couple et entre les enfants et leurs parents. Cet impact que nous pouvons qualifier d’anxiogène a peut-être fragilisé la relation précoce entre la mère et son enfant. L’établissement d’une attention conjointe entre ces deux êtres a peut-être été altéré. Poursuivant cette idée, nous constatons que Ghislaine cherche toujours le regard d’autrui et s’en approche physiquement. Cette petite fille se « colle » à celui qui rencontre son regard. Nous interprétons ce rapprochement physique inadapté car annulant toute distance, à une difficulté à entrer en relation avec l’autre. D’ailleurs, nous rencontrons ce manque de distanciation par rapport à ce qu’elle voit ou à ce qu’elle lit dans certains subtests du K.ABC exigeant un traitement cognitif simultané ou exigeant les deux à la fois (simultané et séquentiel). Cette difficulté à supporter le regard d’autrui sur soi peut renvoyer à une première difficulté à se détacher du regard de la mère pour se voir. Sans doute que cette enfant n’a pas suffisamment intériorisé l’objet maternel et par conséquent ne parvient pas à l’oublier et à devenir indépendante. D. Winnicott1 (1957) a montré à partir d’une étude sur les interactions précoces mère/enfant comment l’enfant se voit dans le visage de sa mère et comment il doit s’en détacher pour penser ce qui n’est pas directement visible par un processus d’intériorisation de cette image.

Notes
1.

Winnicott, D. (1957). L’enfant et le monde extérieur. Paris : Payot.