16.8.4. Analyse synthétique des différentes données

Nous nous interrogeons sur l’incidence de la santé mentale de la mère sur celle de l’enfant et ce d’autant plus qu’Eloïse ne côtoie exclusivement que sa mère en dehors de l’école. Il pourrait y avoir risque de contagion mentale, l’enfant risquant de vivre, de partager les fantasmes de la mère.

Nous observons que la mère adopte une attitude ambivalente envers sa fille. De ce fait, face à cette oscillation constante entre le bon et le mauvais objet, l’enfant ne peut pas se construire une image suffisamment stable. Nous avons l’impression qu’aucune des deux ne se voit en l’autre si ce n’est la présence des yeux bleux qui concrétise leur lien de parenté. En effet, Eloïse est très grande pour son âge et dépasse déjà sa mère. Celle-ci la décrit comme si elle ne la reconnaissait pas ou plus exactement comme si elle ne s’y reconnaissait pas et la regardait étrangement, de manière fixe. Nous pouvons peut-être émettre l’hypothèse d’un état d’imitation chez l’enfant, lorsqu’elle se comporte d’une manière inadaptée à l’école, un peu comme le fait sa mère. Nous n’irons pas jusqu’à penser à un état de fusion car la présence du père plane fortement sur ce binôme.

Eloïse souffre de ne pas connaître sa famille paternelle et souhaite ardemment la rejoindre pendant les vacances mais la mère sans dire qu’elle s’y opposait, n’entreprend aucune démarche dans ce sens. Nous avons constaté au cours de l’entretien que les propos de cette femme étaient malheureusement exclusivement centrés sur les imperfections de sa fille, mais systématiquement entrecoupés de tentatives de réparation. En effet, lorsqu’elle avançait un exemple de comportement négatif de son enfant, immédiatement après elle endossait ce rôle. Nous avons l’impression que cette dame fonctionne en miroir vis-à-vis de sa fille, qu’aucun espace de liberté n’est laissé entre ces deux êtres. D’ailleurs, cette mère n’a fait que s’occuper de la santé de sa fille qui souffrait et souffre de problèmes respiratoires, d’allergies multiples. A cet effet, nous pouvons avancer l’idée que cette enfant souhaite enfin respirer. Elle a suffisamment exprimé son désir de voir et de rencontrer d’autres personnes hors du monde scolaire et hors du couple mère-fille (rencontrer la famille de son père). Il semble qu’Eloïse soit en quête d’identité, de reconnaissance. Ce qui est positif, c’est de constater que cette petite fille exprime son désir de se détacher de sa dépendance à sa mère. En revanche, la mère d’Eloïse ne semble pas prête à reconnaître cette dépendance. Elle ne souhaite sans doute pas la reconnaître pour la maintenir. C’est sans-doute à cause de ce désir non partagé avec sa fille, que cette mère ressent des émotions ambivalentes envers cette dernière. De ce fait, nous avons perçu à plusieurs reprises une angoisse chez cette femme. Nous apprendrons plus tard, sa crainte de perdre la garde de son enfant. Il nous semble que cette crainte augmentait au fur et à mesure que la fin de l’année scolaire et que les vacances approchaient. Elle avait d’ailleurs exprimé au cours de l’entretien son interrogation sur l’orientation de sa fille l’année suivante. Elle voulait savoir si elle allait rester dans le cursus ordinaire ou être orientée en classe spécialisée. Peut-être souhaitait-elle inconsciemment par un processus de projection enfermer son enfant dans une « bulle pathologique » pour la garder auprès d’elle, pour se retrouver en elle, voire se fondre en elle ?

Dans cette étude de cas, nous ne pouvons que nous interronger encore une fois sur la qualité de l’attachement mère-nourrisson. Nous ne savons pas si le père était présent dans la petite enfance de l’enfant pour endosser et exercer sa fonction de séparateur, de celui qui met de la distance et qui instaure un certain ordre. Nous ne savons pas non plus si les propos de la mère au sujet de son ex-conjoint sont vrais ou pas.