16.13. Synthèse de l’ensemble des présentations de cas

Nous rappelons que le choix de présenter ces enfants a été motivé par le constat que malgré la diversité de leurs situations familiales et de leurs traitements cognitifs de l’information, un comportement observable similaire, à savoir avec des troubles de l’attention était omniprésent.

Dans un premier temps, nous observons que l’ensemble de ces enfants n’est vraiment intéressé que par des dimensions (pêche, puzzle, football, théâtre) étrangères à celles véhiculées et investies par l’école. Ainsi, nous constatons que ces enfants sont capables de se motiver, d’ailleurs leur auto-estime n’est pas toujours basse en particulier leur estime familiale. Par conséquent, ces enfants sont conscients d’être dotés d’une certaine valeur mais celle-ci se trouve réduite à certaines fonctions et à certains lieux. Cette limite à la fois spatiale et fonctionnelle éclaire partiellement la difficulté de ces enfants à mobiliser leur attention à d’autres fins comme s’ils étaient incapables d’initier de nouveaux comportements et de nouvelles aspirations. Ceux qui se réfugient dans la contemplation passive de la télévision ou l’action intempestive mobilisée dans les jeux électroniques semblent quant à eux, renoncer aux échanges interpersonnels parce qu’ils n’y croient plus. Pour illustrer ce propos, nous prenons le cas d’Allan. En effet, Allan qui voit sa mère constamment dépressive et non disponible pour lui, s’en détourne comme s’il n’attendait plus aucun changement. Cet aspect fataliste, que nous retrouvons chez Maxime concernant sa mère, cache néanmoins un certain espoir de changement. Le refuge dans la rêverie ou l’agitation excessive semble dans ce cas endosser un rôle de pansement qui colmate une réalité qui fait souffrir empêchant en même temps toute préoccupation. Toute réflexion de métacognition ou de reconstitution (réf. Modèle de Barkley, 1997) s’en trouve affectée. Cette double fonction (colmatage entraînant action passive et empêchant la réflexion dans le but de réunir les éléments) permet pour certains des enfants présentant des TDA de s’impliquer dans d’autres activités investies socialement comme jouer des rôles dans des saynètes. Dans ce cas là, nous constatons que ce sont des enfants dont le comportement TDA et de type combiné, c’est-à-dire impulsif, agité et inattentif qui réussissent le mieux. C’est le cas notamment de Maya et d’Eloïse. Par ailleurs, nous remarquons que ce type de comportement combiné est très souvent lié à une forte personnalité dans le sens où aucune frustration n’est tolérée par l’enfant. Le plus souvent, ces enfants ne rencontrent pas de difficulté dans le traitement séquentiel des données en MCT ; leur empan mnésique n’étant pas toujours réduit comme nous l’avons observé dans les résultats expérimentaux. A ce sujet, les résultats obtenus à la batterie de tests, le K. ABC révèlent pour certains des enfants une défaillance dans l’échelle Séquentielle lors d’une modalité d’entrée des données auditive. Il semblerait que leur attention ne puisse se mobiliser que face à des stimuli présentés avec un support visuel ou/et concret (cas de Thierry, de Maxime). A ce propos, nous notons que ce support visuel qui semble les contenir les conduise également à se tromper lorsqu’il faut résoudre des tâches nécessitant des opérations mentales (subtest arithmétique notamment). Ainsi, opérer des traitements mentalement nécessite également la capacité à se détacher de ce que l’on perçoit et cette distance pose précisément et véritablement problème. Nous pouvons voir ici une certaine relation entre une personnalité imposante et de style dépendant affectivement et cognitivement (dépendance à l’égard du champ). D’autre part, ces enfants oublient fréquemment les consignes qui viennent pourtant d’être formulées comme s’ils craignaient déjà la perspective de se trouver seuls et d’être incapables de se montrer à la hauteur de leur tâche. Ce décalage entre le besoin de reconnaissance, le souci de séduire l’adulte qui vous confie une tâche et le sentiment profond de ne pouvoir y répondre remet en relief le rapport existant entre l’émotion et le cognitif. D’ailleurs, nous observons nettement ce rapport sous forme de clivage chez ces enfants. En effet, nous constatons que certains peuvent se montrer très organisés dans la résolution de la FCR notamment et perdus dans celle du génogramme ; ce diagramme de la configuration familiale se traduisant par des oublis et des confusions.

L’ensemble de ces cas révèle également un problème de lenteur dans la réalisation de certaines tâches au K. ABC (Triangles notamment). Cette lenteur d’exécution, de manipulation va souvent de pair avec une impulsivité constatée dans la réponse de certains items, réponse motrice (Matrices analogiques) ou verbale. Ceci renvoie encore une fois à une défaillance située au niveau de la métacognition et de l’attention maintenue jusqu’au bout. Cette variable temporelle s’avère nécessaire pour stabiliser l’attention et encoder correctement l’information dans le but de se l’approprier le plus efficacement possible. En parallèle, nous remarquons que ces enfants ont besoin de plus de temps pour organiser les informations, notamment les informations géométriques (réf. FCR, cas d’Eloïse et Rhumaïssa notamment) même si leurs organisations ne sont pas forcément efficientes (défaut d’indices appropriés dans la phase de récupération).

Concernant l’aspect familial, nous remarquons une certaine répétition du comportement. En effet, le parent se reconnaît dans le comportement de son enfant. Lui-même présentait les mêmes symptômes. Néanmoins, à ce jour, ce parent ne se voit pas porteur de certains de ces symptômes. L’enfant vit par conséquent dans un environnement instable et non fiable au niveau des représentations véhiculées par les parents. Par exemple, Maxime est doué pour le dessin comme son père, mais ce dernier ne comprend pas pourquoi son fils ne tient pas en place, ne peut pas se contrôler verbalement notamment alors qu’il ne se voit pas lui-même en train de gesticuler également sur sa chaise pendant qu’il s’exprime. C’est un père qui est également toujours occupé et qui n’a jamais le temps. Thierry est aussi vu par son père comme la copie conforme de l’un de ses autres enfants. La mère de Maya reconnaît aussi que sa fille est comme elle. La mère d’Aurélie révèle que sa fille se comporte à son image lorsqu’elle était enfant mais ne s’aperçoit pas que cette dernière souhaite materner comme elle également. En effet, celle-ci a trouvé son équilibre en devenant mère et la fille se calque sur la vie et les aspirations de sa mère. Ainsi, M. Berger (1999) soulignait que l’enfant TDA ne pouvait se voir tel qu’il était. Pour notre part, nous observons que c’est d’abord son parent qui est incapable de se définir tel qu’il est et que l’enfant s’empêche d’analyser la réalité en ne prenant aucun recul vis-à-vis de lui (dysfonctionnement de l’élaboration sémantique).

En conclusion, nous ne pouvons attribuer à ces répétitions la responsabilité d’un quelconque gène. Il n’empêche que l’environnement familial contribue fortement à façonner le comportement de l’enfant, en particulier lorsqu’aucun échange verbal constructif n’est entretenu. Très souvent, nous constatons que les parents ne savent pas appliquer leur autorité. Cependant, si l’enfant est capable de s’en distancier en s’identifiant à d’autres modèles valorisants à ses yeux, il peut évoluer différemment.

Il serait souhaitable de poursuivre ces observations avec des enfants hyperactifs qui pourraient quant à eux être moins préoccupés par les contingences familiales que par l’expression de déviances dans le métabolisme cérébral (voir chapitre 5.3).