17.2. Concernant les résultats expérimentaux

Les tâches séquentielles, certes rébarbatives pour l’enfant, ont été suffisamment discriminantes pour marquer la différence entre les deux groupes indépendants. Nous notons qu’en dépit d’un effet d’apprentissage, cette différence s’est toujours manifestée au niveau de l’encodage et de la récupération des données. En effet, les enfants présentant des troubles de l’attention sont toujours plus influençables par les éléments externes. C’est la raison pour laquelle, les stimuli présentés visuellement sont toujours plus difficiles à encoder par rapport aux stimuli entendus lorsque la résolution d’une tâche concurrente ne dure pas trop (5 s). En revanche, lorsque le temps d’interférence s’allonge (90 s) la modalité auditive perd de son efficacité et l’écart des performances se maintient entre les deux groupes. Nous remarquons également que les enfants TDA sont capables de fournir un effort cognitif pour un traitement de données légèrement plus difficile (restitution en mode inverse de séries digitales, réf. Subtest Mémoire de Chiffres du WISC.III). Cependant, il leur a fallu un temps d’adaptation plus long à cette tâche que pour les enfants de l’autre groupe. Nous précisons que dans les premières épreuves sérielles (Subtests du K.ABC et subtest du WISC.III) les enfants peuvent se préparer à traiter les données de façon à optimiser leur restitution ultérieure. En revanche, dans l’autre tâche de l’hypothèse 2 évaluant la flexibilité cognitive (séries alternées), ils ne sont pas en mesure d’anticiper aussi efficacement en raison de la consigne qui varie d’un item à l’autre. D’ailleurs, cette tâche différencie nettement les deux groupes au moment du rappel au profit du groupe Contrôle. Dans cette épreuve, la mémoire de travail est impliquée avec ses composantes attentionnelle, mnésique et organisationnelle. L’organisation peut se réaliser en construisant des chunks de plus en plus grands afin d’augmenter l’empan mnésique (voir Cowan, 2000 ; chapitre 7). Néanmoins, cette construction exige de la part du sujet de traiter la nature, le mode de présentation de l’item ainsi que son ordre d’apparition. Ces traitements multiples qui ne sont pas difficiles pour les uns apparaissent complexes pour les enfants TDA. Cette capacité de traitement peut s’effectuer simultanément ou séquentiellement comme dans les modèles de D. Kahneman et de D. Broadbent notamment. Ainsi, les premières épreuves séquentielles résolues avec une tâche concurrente donnent des résultats qui vont dans le sens de la première hypothèse. En effet, d’après le modèle de D. Kahneman (1973), en situation d’attention partagée les ressources cognitives sont distribuées simultanément entre plusieurs sources d’informations. Ce partage des ressources entraîne une moins grande profondeur de traitement, expliquant la diminution des performances par rapport aux situations d’attention focalisée (subtest du WISC.III : Mémoire des Chiffres). Cette dernière épreuve facilite la focalisation de l’attention. Les ressources cognitives se concentrent sur un seul traitement. Cette concentration entraîne par conséquent une amélioration de la performance mnésique et perceptive alors que dans les premières tâches, le traitement cognitif des autres informations (distracteurs) serait effectué dans la limite de la quantité de ressources résiduelles.

L’organisation des données à traiter peut également se traduire par la construction d’indices en MCT facilitant la récupération des informations ordonnées et classées en MLT d’après le modèle de K. Ericsson et W. Kintsch (1995). Elle demande une certaine familiarité de la demande de la tâche et une certaine rapidité de traitement des données (Kail et Park, 1994). Ces auteurs ont démontré que lorsque l’âge de l’individu s’accroît, la vitesse de traitement augmente, accompagnée d’une réduction du temps pour l’articulation des lettres et des chiffres ce qui favorise un empan mnésique plus important. Ainsi, la vitesse de traitement et le temps de répétition (boucle phonologique du modèle de Baddeley) sont inter reliés et impliqués dans la taille de l’empan mnésique. A cet effet, les résultats obtenus révèlent un décalage dans le développement cognitif des enfants TDA dont la taille de l’empan mnésique, en dépit de l’apprentissage, reste inférieur à celui des enfants Contrôles de même âge. Nous retrouvons ce décalage de développement psychocognitif dans l’épreuve de la FCR qui à l’instar de la tâche évaluant la flexibilité cognitive (tâche des suites alternées) ne prévient pas l’enfant du rappel ultérieur qu’il lui sera demandé de réaliser.

Considérant qu’une organisation insuffisante des informations réduit l’empan mnésique, nous avons constaté que les enfants TDA sont moins performants dans l’organisation perceptivo-grapho-motrice de la Figure Complexe de Rey (hypothèse 3). Pour expliquer ce niveau d’organisation nous supputons une défaillance au niveau de la récupération des informations efficientes dans la mémoire à long terme. L’enfant TDA aurait des difficultés à construire des structures sémantiques élaborées des informations géométriques. Autrement dit, les figures déjà apprises par l’enfant comme le rond, le carré, le rectangle, le triangle ne seraient pas encodés avec des indices de récupérations pertinents et regroupés dans des structures, types de schémas facilement rappelés. Par ailleurs, nous supputons également que ces enfants n’auraient pas développé de stratégies mnésiques suffisamment élaborées au moment de traiter les informations géométriques. Leurs stratégies ou encore leur défaut de stratégie ne sollicitent apparemment aucun effort. Ce traitement perceptif que nous pouvons qualifier de passif ou/et figuratif ne sollicite que le calepin visuo-spatial du modèle de A. Baddeley (1986). Cette sollicitation n’utilise par conséquent que la Mémoire à Court Terme et non pas la Mémoire de Travail. Nous optons pour cette interprétation pour répondre à notre troisième hypothèse qui cherchait à vérifier un défaut d’organisation dans le traitement des informations chez les enfants TDA.