Première partie :
Un espace social historicisé

Il existe une forme de connaissance intuitive des villes. Les regards portés par les auteurs contemporains ou de simples observateurs d'hier ou d'aujourd'hui, ne doivent pas être forcément jugés a priori comme entièrement faux ou contestables. Le choix d'un terrain d'étude en début de recherche se base en grande partie sur ces sentiments diffus. Dans le cas de Lisbonne, ce type de connaissance joue un rôle important dans les approches historiques, les sciences sociales n'ayant pas encore suffisamment déconstruit les images et les savoirs sur la société et sur les espaces urbains. Ainsi la plupart des quartiers de la capitale portugaise sont-ils facilement identifiables par une série de présupposés sociologiques ou culturels. En choisissant Alcântara, c'est la composante ouvrière de la société lisboète que nous souhaitons étudier et que nous allons probablement rencontrer. Ce choix n'a pas vraiment à être justifié, il porte tout simplement sur le quartier ouvrier le plus emblématique du Lisbonne de la fin du XIXe siècle. En revanche, il semble nécessaire de comprendre ce qu'il recouvre. Cette première partie est donc consacrée à un espace social – Alcântara – et à une époque – la fin du XIXe siècle et les premières décennies du XXe. Notre projet s'inscrit globalement dans une moyenne durée, les quelques décennies où Alcântara évolue insensiblement d'un quartier industriel vers un quartier populaire urbain. Dans cette partie nous allons souvent, il est vrai, nous placer dans un cadre chronologique plus vaste, en remontant un peu en amont au cours du XIXe siècle. Mais, plus que des processus longs, nous cherchons à repérer un moment où il a pu exister différents niveaux de confrontation et d'interaction entre des groupes sociaux, des représentations et des pratiques. Nous commençons par la description des grands cadres structurels (chapitre 1) et référentiels (chapitre 2), avant d'aller à la rencontre des individus et des groupes.