Chapitre 1. Peuplement et industrialisation d'un espace lisboète

Au cours de ce chapitre, nous allons faire appel à des outils et à des techniques que nous pouvons présenter comme classiques. Nous allons compter, recenser, décrire. On cherche ici à se rapprocher, autant que possible, d'une histoire sérielle ou quantitative. Étant donné les carences des sources utilisées, cette étape de l'enquête a cependant souvent coïncidé avec une approche purement descriptive. Nous ne sommes pas parvenus à exploiter toutes les possibilités d'un usage raisonné de la statistique, notamment dans le domaine de l'histoire démographique. Cette limitation à une description des évolutions générales des mondes sociaux qui gravitent autour d'Alcântara doit se lire comme une étape dans le déroulement de l'analyse.

Retracer en un chapitre les évolutions démographiques et socio-économiques qui ont affecté l'espace social d'Alcântara peut s'apparenter à une régression historiographique. Notre propos semble d'emblée se placer dans le cadre d'une étude de quartier classique, où les questions du choix de l'échelle d'analyse et de la construction a priori d'un objet de recherche n'ont pas été posées. On peut recourir à l'idée un peu molle de« contexte" pour justifier ce passage par une étude du quartier d'Alcântara dans sa globalité. Une façon plus élaborée de présenter les choses serait de parler de« détour écologique", dans la lignée d'une approche braudelienne où les déterminismes géographiques – dans notre cas cela serait aussi bien ceux d'une géographie humaine que physique – sont présentés dans leurs relations avec les ordres sociaux et politiques 85 . La description du quartier d'Alcântara a bien sûr aussi une vertu didactique. Il s'agit un peu d'un passage obligé pour toute étude de terrain de type monographique. Le fait de travailler sur le quartier d'une ville finalement assez méconnue, en particulier des historiens français, rend cette étape d'autant plus nécessaire.

Mais ce chapitre va être aussi parcouru par deux préoccupations plus spécifiques. L'enquête va être orientée autant que possible sur le quotidien des habitants d'Alcântara. C'est la reconstitution d'un cadre de vie qui nous intéresse. Le point de vue des habitants sera si possible privilégié. En ce qui concerne les rythmes et la nature de peuplement, cela semble aller de soi. Pour les paragraphes qui aborderont la question des activités économiques, cela correspond davantage à un choix dans l'angle d'approche. Au-delà des descriptions de la diversité des productions et de l'évolution du contexte économique local, il faut d'ores et déjà penser les activités en terme d'emplois et de statuts socioprofessionnels, des thèmes que nous retrouverons ultérieurement. La deuxième préoccupation concerne elle aussi les développements futurs de l'analyse. Nous voulons commencer à construire une grille de lecture des informations sur les habitants d'Alcântara. C'est en particulier la question de l'unité spatiale d'Alcântara qui va être posée. En quoi est-elle adaptée pour l'étude des faits démographiques ou économiques ? À quelles réalités économiques, sociales mais aussi administratives, renvoient les expressions« habiter Alcântara" ou« être né à Alcântara" ? C'est donc la question de la catégorie spatiale qui ouvre ce chapitre.

Notes
85.

C'est par ce détour que débute la belle étude de Michel Hastings sur Halluin. Michel Hastings, Halluin La Rouge 1919-1939 : Aspects d'un communisme identitaire, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1991, 438 p