2. La population

Il y a plus de vingt ans, Gérard Jacquemet se demandait s'il existait une démographie bellevilloise 123 . Dans le cadre de l'étude de la population d'un quartier, cette problématique nous semble essentielle et constitue peut-être l'unique approche possible. Nous allons donc poser la même question à propos d'Alcântara : peut-on repérer des rythmes de croissance et une évolution de la structure démographique propres à cet espace urbain ?

Les seules sources disponibles pour étudier le mode de peuplement de Lisbonne sont les données publiées dans les tableaux de recensements. À partir de 1864, des recensements ont été menés à intervalles irréguliers jusqu'en 1890, puis environ tous les dix ans. En comptant le recensement exceptionnel de 1925 qui est limité aux populations de Lisbonne et de Porto, nous pouvons examiner dix séries de données démographiques qui se rapportent aux années suivantes : 1864, 1878, 1890, 1900, 1911, 1920, 1925, 1930, 1940, 1950 124 . Pour chacune des ces années, nous connaissons la population de chaque paroisse civile de Lisbonne.

Ces données agréées appellent davantage une réflexion sur les catégories administratives et sur l'évolution de la perception des évolutions démographiques que sur ces évolutions elles-mêmes. Nous nous heurtons en particulier au choix des divisions administratives prises comme cadre préférentiel dans la présentation des différentes séries statistiques. Dans notre cas particulier, nous bénéficions de deux atouts : nous venons de le voir, la paroisse civile d'Alcântara dans ses limites d'avant 1959 correspond plus ou moins à ce qui est communément désigné comme formant le quartier d'Alcântara ; entre 1890 et 1950 ces limites ne sont pas modifiées, et pour les deux recensements réalisés avant cette période, il est possible d'évaluer la taille de la population qui résidait sur ce même territoire.

La nature de notre source nous empêche de reconstituer précisément les modes de peuplement de l'espace urbain. En revanche, nous pouvons mesurer des dynamiques démographiques en tentant de repérer la singularité de l'espace que forme la paroisse d'Alcântara. Cet espace urbain doit être saisi dans ses relations à la ville tout entière. Nous avons donc défini trois catégories spatiales autour desquelles va se construire notre analyse :

Encore faut-il s'entendre sur ce que recouvre chacune de ces catégories spatiales. Nous savons que les circonscriptions administratives sont instables et qu'il n'existe pas de concordance absolue entre les divisions utilisées dans les recensements et celles reconnues officiellement qui ont été évoquées dans la première partie de ce chapitre. Le 4º Bairro, mentionné lors du recensement de 1890, regroupe les paroisses civiles d'Ajuda, Alcântara, Belém, Lapa, Santa Isabel et Santos-o-Velho. Pour les recensements de 1864 et 1878, et afin d'apprécier les rythmes de peuplement de la zone occidentale de Lisbonne, nous avons additionné la population des paroisses concernées. Nous avons, dans tous les cas, regroupé la population selon les limites administratives des années 1885-1959. Cela signifie que pour les deux premiers recensements, nous avons additionné à la population de Lisbonne celle des paroisses d'Ajuda, Alcântara extra-muros, Belém, Benfica, Carnide, Santa Isabel extra-muros et Nª Sª da Pedreira qui, à l'époque, font partie de la commune de Belém 125 . Enfin, en ce qui concerne la population d'Alcântara, et toujours pour les années 1864 et 1878, nous avons additionné les données des paroisses civiles d'Alcântara« intra-muros" (commune de Lisbonne) et« extra-muros" (commune de Belém).

Notes
123.

G. Jacquemet, Belleville au XIX e siècle…, op. cit., p. 219.

124.

Les références exactes de ces documents sont indiquées dans la bibliographie.

125.

Nous n'avons pas pris en compte la population de la paroisse de Odivelas qui n'a pas été intégrée à Lisbonne en 1885.