b) Rapports de genres, migrations et liens avec la ville

Rapports de genres et liens avec la ville

Les observations qui suivent sont les conséquences logiques de la répartition inégale des lieux de naissance entre les pères et les mères. Nous avons déjà constaté que les mères étaient plus fréquemment nées à Lisbonne ou dans la paroisse d'Alcântara. À l'intérieur des couples, le lien avec la ville se définit donc comme un lien plutôt féminin. Dans la Rua da Cruz, les mères constituent plus souvent que les pères le seul lien avec la ville ou avec le quartier au début du siècle comme dans les années 1930 (tableau 4.9.).

Tableau 4.10. : Lieu de naissance du père quand la mère est née en dehors du concelho de Lisbonne
Tableau 4.11. : Lieu de naissance de la mère quand le père est né en dehors du concelho de Lisbonne

Toujours sur la base de la simple comparaison entre les origines, les pères et les mères ne sont pas égaux dans le processus d'intégration à la ville. Il existe une nette différence de comportement selon le sexe. Dans les années 1930, un homme né en dehors de Lisbonne a presque autant de chance de se lier à une femme née elle aussi en dehors de Lisbonne qu'à une femme née à Lisbonne, c'est-à-dire déjà intégrée à la ville. En revanche, une femme née en dehors de Lisbonne demeure le plus souvent sans lien privilégié (tableaux 4.10. et 4.11.). Au début du siècle, si la situation est moins favorable pour les pères de la Rua da Cruz, avec une plus forte proportion de pères sans lien, le rapport père/mère reste toujours à l'avantage des pères, plus de 60% des mères étant sans lien privilégié.

La relation père/mère n'épuise pas toutes les formes possibles de lien avec la ville. Les femmes semblent toutefois avoir une position centrale dans le processus d'intégration au milieu urbain. À l'intérieur du couple, ce sont souvent elles qui constituent le lien unique avec la ville. Mais selon ce mode d'observation, une femme née en dehors de Lisbonne a plus de difficultés à s'intégrer à la ville.

Une fois encore, nous devons pondérer nos observations lorsque nous prenons en compte la situation dans la Rua Feliciano de Sousa. Ici, la singularité des parcours des mères est moins évidente. Au début du siècle, les pères ou les mères constituent l'unique lien avec la ville ou avec le quartier dans un nombre de cas presque identiques pour les deux sexes (tableau 4.9.). Dans les années 1930, la mère est plus fréquemment la seule à être née à Lisbonne, mais la règle ne se vérifie plus si nous nous plaçons au niveau du quartier. Les pères et les mères nés en dehors de Lisbonne ne connaissent pas de destin réellement séparés : au début du siècle, environ 60% d'entre eux (58% pour les mères) se retrouvent sans lien privilégié, dans les années 1930 ils sont environ un tiers.

Les mères de la Rua Feliciano de Sousa se sont plus facilement intégrées à la ville ou ont gardé plus souvent des liens avec leur région d'origine – en particulier dans les années 1930 – que celles de la Rua da Cruz. Selon ce mode d'observation, le parcours des mères de la Rua Feliciano de Sousa se distingue moins de celui des pères et apparaît de toute façon plus favorable que le parcours des mères de la Rua da Cruz. Néanmoins dans les années 1930, les mères jouent dans certains cas un rôle essentiel comme lien avec la ville.