Conclusion deuxième partie :
De l'étude des origines à l'analyse des relations avec un territoire…

Apprendre à lire une source c'est identifier les biais et chercher à les contrôler. On peut combler quelques lacunes de la documentation mais il ne faut pas espérer pouvoir remédier à tout. Certains chemins demeurent impraticables. Dans le contexte administratif portugais, l'usage des registres paroissiaux et de l'état civil comme source dans l'étude des sociétés urbaines peut être d'autant plus satisfaisant qu'il rejoint des interrogations sur la pluralité et sur la complexité des relations interindividuelles à l'intérieur de ces sociétés. Cette source permet en effet de saisir des composantes de ces milieux à différentes échelles : l'individu, le couple, la lignée familiale, le voisinage. Ce sont surtout des individus interdépendants et non plus isolés qui peuvent être observés.

Nous sommes parvenus à dégager des notions qui vont pouvoir être exploitées dans la suite de l'exposé. Le lien avec la ville s'impose comme une relation sexuée où le féminin tend à l'emporter sur le masculin. Nous pouvons distinguer les couples en fonction du lien avec la ville : un lien fort, un lien faible, ou l'absence de lien. De même, l'utilisation de la catégorie« lien fort avec la Beira intérieure" permet d'introduire la question du parcours migratoire et de la distinction entre migrants et sédentaires dans un dispositif de recherche a priori peu adapté à ce type d'approche.

Nous avons aussi connu des échecs. Nous aurions aimé affiner l'étude des proximités spatiales et du voisinage dans les deux rues. L'analyse des adresses n'a rien apporté de solide et nous avons renoncé à présenter ici nos maigres résultats. Bien sûr nous avons repéré de nombreux cas de co-résidence, souvent entre parents. On s'est aussi intéressé aux habitants des rez-de-chaussée ou des derniers étages, sans parvenir à comprendre s'il existait une logique dans ce type de distribution dans le parc immobilier. Le rapprochement entre différents facteurs comme l'origine ou le type de lien avec la ville et l'adresse n'a pas permis de mettre en évidence des régularités dans la répartition spatiale des habitants. Sans doute n'avons nous pas utilisé les bons critères. L'usage de l'adresse – le numéro de l'immeuble, l'étage et le numéro de la porte – pour repérer les logements n'est probablement pas approprié. La nature du logement ou les réseaux de propriétaires pourraient se révéler être des critères plus pertinents par rapport aux manières d'habiter dans ces espaces urbains.

Enfin, notre étude de la relation à la ville repose encore largement sur des présupposés qui peuvent être critiqués. En particulier, à la question« qu'est-ce qu'un citadin ?", nous apportons spontanément comme élément de réponse la prise en compte de la durée de la présence en ville. Le lien fort avec la ville est un lien ancien. Or l'opposition entre lien fort et lien faible, cette fois dans l'optique de l'étude des réseaux sociaux, permet de bien distinguer la force du lien et les éventuels bénéfices qu'il pourrait apporter. Nous sommes encore loin de posséder une vision très claire de la structuration du milieu social d'Alcântara. L'ancienneté de l'installation dans la ville est-elle un facteur déterminant qui facilite l'intégration des individus dans ce milieu ?