Troisième partie :
Identités et représentations professionnelles

Depuis les travaux de Simona Cerutti sur la société turinoise des XVIIe et XVIIIe siècles, nous connaissons mieux la nature du processus par lequel le fait de pratiquer un métier est devenu un critère de stratification sociale 490 . L'un des premiers enseignements de cette étude est de souligner que ce phénomène est datable et peut être reconstitué. À travers l'analyse des cérémonies et des rituels urbains, il est possible d'observer l'évolution de l'image de la ville de Turin, d'unestratification simplifiée, où « seuls se détachent quelques grands groupes", à une« représentation fragmentée" du tissu social 491 . L'exemple de Turin prouve que les métiers ou les professions n'ont pas toujours été des facteurs incontestés de différenciation sociale. Si le développement économique de la ville n'est pas entièrement étranger à cette transformation de l'image de la société turinoise, l'apport de Simona Cerutti est aussi d'avoir démontré qu'il n'existe pas de correspondance absolue entre les divisions techniques et les divisons sociales.

Dans une ville industrialisée du début du XXe siècle comme Lisbonne, la profession occupe une place centrale dans la définition des identités individuelles. Nous avons déjà pu nous en rendre compte lors de l'étude des images et des représentations produites autour d'Alcântara entre la fin du XIXe siècle et les années 1940. Nous n'avons pas à nous interroger sur l'existence de cette forme de distinction sociale. En revanche, nous en ignorons la nature exacte. Les déclarations à l'état civil font-elles état de hiérarchies ou d'oppositions techniques, de prestige ou de statut social ? Dans quelle mesure notre dispositif de recherche permet-il de répondre à ces questions ? Ce n'est pas tant savoir ce qu'est une profession qui nous préoccupe, mais plutôt comment la déclara-t-on à l'administration religieuse ou civile d'Alcântara ou, plus exactement, quelle signification peut-on donner à l'acte de déclarer une profession ? Cette troisième partie est donc centrée sur le lien problématique entre deux objets : la profession des individus et la déclaration qu'ils en font à l'administration. Pour progresser, nous devons définir une grille de lecture, au moins sommaire, de ces déclarations : déterminer en quoi elles peuvent être le reflet des processus de construction des statuts et des identités professionnels dans ce milieu. Cette étude doit s'enraciner dans un contexte local.

Notes
490.

Simona Cerutti, La ville et les métiers. Naissance d'un langage corporatif (Turin XVII-XVIII siècles), Paris, Éditions de l'EHESS, 1990, 262 p. Voir aussi du même auteur : «Processus et expérience...", op. cit.

491.

S. Cerutti, «Processus et expérience...", op. cit.