1. Avoir une profession, un privilège masculin

L'étude des déclarations professionnelles des femmes doit suivre un cheminement particulier. Elle revient en effet essentiellement à examiner les raisons d'une absence de déclaration. Ce n'est pas le travail féminin qui surgit au détour des pages des registres de l'état civil, mais bel et bien un aspect du regard que la société portugaise a pu porter sur celui-ci. Dans les actes de l'état civil d'Alcântara de la première moitié du XXe siècle, ce regard se fige dans une déclaration stéréotypée : doméstica. Il serait vain de voir dans les déclarations des femmes des indices de la position sociale des couples. Plus que sur l'emploi féminin, nous sommes donc amenés à nous pencher sur des pratiques administratives. Pour cette raison, il serait inutile et même contre-productif de traiter séparément les déclarations des mères et des marraines. Ces deux points sont donc ici étudiés conjointement.

La formulation des règlements des registres paroissiaux et civils témoigne déjà du manque d'intérêt porté à l'enregistrement de la profession des femmes. Les deux textes qui nous servent de référence, les règlements de 1862 de 1932, pèchent tous les deux par leur manque de précision. L'article 13 du règlement du registre paroissial de 1862 stipule que l'acte de baptême doit donner le« nom, le prénom des parents, leur profession, leur lieu de naissance, la paroisse où ils ont célébré leur mariage, la paroisse de leur domicile, et leur adresse" 495 . Plus loin, l'alinéa 10 du même article définit la nature des informations recueillies sur le parrain et la marraine : le nom, le prénom et la profession du parrain, et curieusement seulement le nom et le prénom de la marraine 496 . Dans l'esprit des rédacteurs du règlement, la profession de la marraine était donc clairement jugée superflue. Le règlement de 1932 n'est guère plus explicite. Lui aussi parle de la déclaration de la« profession des parents" et les témoins doivent indiquer leur nom, état civil, profession et domicile 497 . Un des témoins étant généralement la marraine de l'enfant, nous pouvons espérer obtenir par ce biais des indications sur la profession de la marraine. La mention de la profession des mères et des marraines ne fait donc pas l'objet de disposition particulière. En dehors du cas des marraines des actes de baptême, une application scrupuleuse du règlement aurait dû conduire à un enregistrement des professions des femmes comme de celles des hommes. Les faits montrent que les ecclésiastiques, et surtout les officiers de l'état civil, ont interprété l'expression« profession des parents" comme pouvant signifier la seule profession des pères 498 .

Notes
495.

Regulamento do Registo Paroquial, op. cit., p. 35.

496.

Ibid., p. 36.

497.

Código do Registo Civil, op. cit., p. 51.

498.

Rappelons que toutes ces déclarations sont de simples déclarations orales, qui ne nécessitent aucune justification.