a) Un secteur d'activité traditionnel : la métallurgie

La cohérence historique du groupe des métallurgistes procède essentiellement du politique. L'activisme syndical et militant des ouvriers de ce secteur a été un puissant catalyseur identitaire, les métallurgistes étant dépositaires d'une même« culture de scène" 616 . L'apogée de cette visibilité des métallurgistes doit être recherché à l'époque des grands conflits sociaux qui agitent les principales villes européennes dans les années 1917-1920 617 . Au Portugal, cela est confirmé par l'étude de Maria Filomena Mónica, la chronologie est identique. Les enquêteurs de l'IOP ont bien sûr été sensibles à cette réalité. Alors que l'Institut s'intéresse aux professions, dans ce cas c'est un secteur d'activité qui est dans un premier temps ciblé. Rien dans les rapports de Manuel Subtil chargé de ces enquêtes n'explique ce changement d'objet. Le choix des sources d'information est aussi spécifique à ce groupe. Ce sont d'abord des syndicats qui sont contactés. Manuel Subtil s'adresse à la Confederação Geral do Trabalho puis au Sindicato metalúrgico et au Sindicato dos Serralheiros Civis où il est reçu par deux membres de la direction. Il note le bon accueil de ces militants qui se montrent intéressés par le travail de l'IOP. Les représentants des syndicats craignent cependant la« politisation de ce type d'initiative" 618 . C'est seulement après ces premières démarches, que l'enquêteur de l'IOP commence à prendre conscience de l'étendue de la tâche et surtout de l'hétérogénéité du groupe des métallurgistes. Il comprend« combien cette enquête est vaste, en raison de la grande quantité de professions rassemblées sous cette désignation de métallurgistes" 619 .

La position centrale du secteur de la métallurgie dans l'histoire ouvrière, s'explique aussi par la part de ce dernier dans le processus de rationalisation des formes de travail à partir de la Première Guerre mondiale. Le mouvement d'automatisation croissante de la production et de déqualification de la main d'œuvre y est particulièrement visible. Si l'essentiel des tâches est désormais peu à peu confié aux OS, les« ouvriers professionnels" qui possèdent des connaissances techniques – les matériaux, la classification des métaux, les traitements thermiques – et des savoir-faire – les différentes formes de coupe, les constructions, l'usinage – très pointus peuvent compter sur une consolidation de leur position dans l'échelle sociale 620 . Ce modèle ne peut être appliqué tel quel à la réalité portugaise. Le rythme et la nature du développement économique national ont produit d'autres formes d'organisation du travail. C'est ce que nous devons examiner de plus près maintenant.

Notes
616.

M. Verret, La culture ouvrière, op. cit.

617.

Susanna Magri, Christian Topalov, «Pratiques ouvrières et changements structurels dans l'espace des grandes villes du premier XXe siècle. Quelques hypothèses de recherche", dans Villes ouvrières 1900-1950, Paris, L'Harmattan, 1989, p. 18. Voir aussi Y. Lequin, «À propos de l'identité des groupes ouvriers", op. cit., notamment pp. 371-372.

618.

Rapports de Manuel Subtil, 12-06-1922 et 21-06-1922, IOP-ANTT.

619.

Ibid.

620.

A. Dewerpe, Le monde du travail en France, Paris, Armand Colin, 1989, pp. 146-148.