Quatrième partie :
Proximités et distances sociales

Dans les années 1920 et 1930, l'image de l'Alcântara populaire n'est pas celle d'un espace social indifférencié. Elle intègre au contraire un certain niveau de diversité de peuplement. L'évolution des images associées à Alcântara tend à indiquer une augmentation de cette diversité sociale – du quartier ouvrier au quartier populaire – mais aussi des contacts entre les groupes sociaux – du quartier ghetto au quartier village – entre la fin du XIXe siècle et les années 1940. Ces représentations traditionnelles d'Alcântara font état de l'existence d'un milieu ou d'un espace social mais ne donnent qu'une idée très sommaire des modes de cohabitation entre groupes sociaux. En partant des données recueillies dans l'état civil, nous sommes parvenus à mieux saisir certaines formes de différenciation des parcours et des identités : les origines, les liens avec la ville, les professions et les statuts sociaux sont autant de facteur qui font de la Rua da Cruz et de la Rua Feliciano de Sousa, un milieu composite. Nous avons une idée de la« pluralité des trajectoires". Reste à comprendre les formes de« convergence" et de« solidarité d'effet" 680 .

En introduisant le critère de la profession dans l'étude des relations interindividuelles et des modes de structuration d'un milieu social urbain, on franchit naturellement une étape essentielle. On ne saurait remettre en cause le fait que le statut professionnel est un facteur déterminant de distinction sociale et par conséquent de cohésion entre individus de même rang. Mais l'identité professionnelle n'explique pas tout. Elle ne peut être notamment tenue comme l'unique composante des identités individuelles. La cohabitation de groupes socioprofessionnels dans des espaces urbains – des quartiers – ne relèvent ni d'un processus d'homogénéisation sociale – la proximité physique peut aller de pair avec la distance sociale –, ni d'une stricte hiérarchisation entre des groupes entièrement distincts. Au lieu de hiérarchies ou de groupes, on parlera plus volontiers de distances ou de proximités sociales. On souhaite ainsi insister sur la fluidité de phénomènes qui vont être ici saisis à travers les contacts effectifs entre des individus 681 .

Notes
680.

J. Rémy, «Les sociabilités urbaines…", op. cit., p. 507. Cité en introduction.

681.

On s'est inspiré du titre d'un article de Susanna Magri : Susanna Magri, «Villes, quartiers : proximités et distances sociales dans l'espace urbain", Genèses, nº13, 1993, pp. 151-165.