Les figures (a), (b), (c) et (d), des pages 423 et 424, représentent les configurations professionnelles qui se forment autour des manœuvres par l'intermédiaire des liens de compérage.
Les manœuvres constituent un groupe social replié sur lui-même. L'utilisation de catégories socioprofessionnelles, notamment celles basées sur le niveau de qualification, l'avait déjà laissé présager. L'autocompérage au sein du groupe des manœuvres est élevé. En fin de compte, c'est ce phénomène qui est la cause principale de la proportion d'autocompérage dans la catégorie des professions non qualifiées (unskilled). La fermeture du groupe des manœuvres se manifeste aussi par le choix de l'employé de l'église pour parrainer un enfant. Dans les années 1900, pour plus de la moitié des cas, le lien du parrainage n'est pas l'occasion de se rapprocher d'un autre groupe professionnel : 55% des pères manœuvres choisissent un père manœuvre ou employé de l'église, la proportion étant identique dans les deux rues. Dans les années trente, alors que les employés de l'église ne sont plus sollicités, la proportion d'autocompérage reste assez forte. Elle est identique dans les deux rues, au centième près, avec 27,5%.
Les configurations professionnelles autour des manœuvres n'évoluent guère entre les deux périodes. Si on cherche à discerner des déterminismes sociologiques qui se manifesteraient à travers des choix récurrents, on en revient toujours au même constat de stabilité. Il n'existe pas de grands bouleversements ni, à première vue, d'amorce de processus de mutation. Dans les années 1930, les manœuvres se rapprochent cependant très légèrement des professions de la métallurgie. À cette époque, près de 13% des parrains liés à des pères manœuvres – contre moins de 10% au début du siècle – exercent une profession qui peut être rattachée à ce secteur (comme celle de serrurier, chaudronnier, soudeur, machiniste, tourneur mécanique, fondeur, forgeron, voire électricien). Les proportions sont toujours très comparables dans les deux rues.
Si on cherche encore à repérer des logiques dans les choix des pères manœuvres, on peut noter la présence d'un groupe de parrains qui exercent des emplois dans le secteur public ou dans les grandes sociétés installées dans Alcântara, notamment la CUF et la compagnie Carris. Ce groupe spécifique rassemble environ un parrain sur dix dans la Rua da Cruz, aux deux époques, et 6% et 12% Rua Feliciano de Sousa, respectivement dans les années 1900 et 1930. Chez ces parrains, il faut noter la place des militaires de carrière, proportionnellement plus nombreux d'ailleurs parmi les relations des pères de la Rua Feliciano de Sousa 750 .
À première vue, le principal changement entre les deux époques est la disparition des parrains employés de l'église. Cette disparition, qui est seulement due à une modification de l'encadrement administratif des déclarations, ne se traduit pas par un renforcement des groupes déjà cités (les parrains manœuvres, ceux qui exercent une profession pouvant être rattachée au secteur de la métallurgie, ou les employés du secteur public ou d'une grande société). Dans les années 1930, ce sont plutôt sur les petits métiers ou les professions isolées que retombent les choix des couples en matière de parrainage. Dans les années 1900, un dixième des parrains choisis par les couples de la Rua da Cruz exercent une profession déclarée à une seule reprise par le groupe des parrains ou qui ne peut pas être rattachée à l'un des trois groupes professionnels mentionnés. En 1930, cette proportion s'élève à près d'un quart. Dans la Rua Feliciano de Sousa, les déclarations isolées sont encore davantage représentées parmi les parrains : elles correspondent à plus de 20% des déclarations des parrains dans les années 1900 et plus de 40% dans les années 1930. Ces déclarations renvoient à des professions ou à des secteurs d'activité les plus divers : secteur du bâtiment (charpentier, peintre, maçon, etc.), des services et du petit commerce (barbier, vendeur ambulant, cocher, etc.), de l'industrie ou de l'artisanat traditionnels (potier, teinturier, fournier, etc.).
On observe donc un éparpillement des choix et un recours accru aux petits métiers urbains. La majorité des déclarations des parrains s'ancrent dans des secteurs d'activité traditionnels. Dans les années 1930, on trouve peu de trace de la modernisation de la société et des mutations techniques et économiques, créatrices de nouveaux types d'emplois, sauf deux exceptions peut-être : un parrain dactylographe dans la Rua Feliciano de Sousa et un autre aide-photographe dans la Rua da Cruz.
On exclue ici les parrains qui déclarent être «militaire". Il s'agit là probablement de faire état du statut transitoire d'appelé du contingent.