a) Comment observer ?

La codification des informations

Nous avons réexaminé l'ensemble des fiches naissance recueillies pour les deux périodes, en traduisant certaines informations sous la forme de codes numériques 773 . Pour chaque fiche naissance, quatre nouvelles rubriques ont été rajoutées. Encore une fois, et au risque de nous répéter, c'est essentiellement la nature de notre source qui nous guide. Les quatre paramètres étudiés ne sont pas forcément les plus influents, mais il s'agit des plus facilement repérables. Cette opération nécessite de faire une multitude de choix, plus ou moins importants, mais qui peuvent avoir des conséquences notables sur les résultats. Afin d'être le plus clair et le plus synthétique possible, nous allons présenter séparément chacune des quatre nouvelles rubriques :

  • Le lien avec la ville

Il s'agit de l'information la plus simple à codifier, puisqu'elle repose sur la comparaison des lieux de naissance des partenaires de chaque couple, sur la base des divisions administrative du territoire portugais. Pour chaque acte de naissance, on a attribué un code de 1 à 7 en fonction de la combinaison des lieux de naissance des deux partenaires :

  1. lien fort avec Alcântara : les deux partenaires sont nés dans la paroisse civile d'Alcântara.
  2. lien fort avec Lisbonne : les deux partenaires sont nés dans la commune de Lisbonne, l'un d'entre eux pouvant être originaire d'Alcântara.
  3. lien féminin avec Lisbonne : seule la mère est née à Lisbonne.
  4. lien masculin avec Lisbonne : seul le père est né à Lisbonne.
  5. lien fort avec la région de la Beira intérieure : par rapport aux chapitres précédents, les critères qui déterminent l'appartenance à cette catégorie ont été élargis. Pour éviter une dépendance trop étroite vis-à-vis des limites administratives, on a considéré qu'un couple possédait un lien fort avec la Beira intérieure quand les deux partenaires étaient nés dans la même commune (concelho) de cette région ou dans des communes limitrophes.
  6. lien fort avec une région du Portugal, en dehors de Lisbonne et des communes de la région de la Beira intérieure. Nous avons appliqué le même principe que pour la Beira intérieure : un couple dont les deux partenaires sont nés dans des communes voisines intègre cette catégorie.
  7. sans lien : les deux partenaires sont nés dans deux communes différentes et non limitrophes, en dehors de Lisbonne et de la région de la Beira intérieure.
  • La déclaration professionnelle du père

Le processus de classification est ici beaucoup plus complexe et il demeure sur bien des points insatisfaisant. Cette information a été interprétée à la lumière des connaissances acquises au fil de notre recherche. L'étude des modes de définition des statuts sociaux et les premiers tests effectués sur les liens interprofessionnels, notamment à travers l'utilisation de catégories socioprofessionnelles, ont permis de mettre en évidence deux grands types d'opposition : premièrement entre les professions qualifiées et les professions non qualifiées ; deuxièmement entre d'une part, les conditions professionnelles qui relèvent du cadre traditionnel du métier et, d'autre part, les emplois protégés par des réglementations et des statuts spécifiques qui fixent des barèmes de salaire, un ensemble de prérogatives et de droits et qui assurent notamment des possibilités de carrière. Ces distinctions apparaissent clairement dans la documentation consultée, mais elles ne se traduisent pas forcément dans le vocabulaire professionnel courant qui affleure dans les déclarations à l'état civil. Afin d'éviter de trop gloser sur nos informations et de se livrer à des interprétations douteuses, l'opération de classification a été réduite au minimum et a reposé sur des signes linguistiques tangibles 774 . Les déclarations professionnelles des pères ont été classées en quatre catégories associées à 4 codes :

  • 3 – Sans qualification : ce code a été attribué aux déclarations de manœuvre, ouvrier, charretier et serviteur (serventuário). Cette catégorie professionnelle a déjà été adoptée précédemment (chapitre 7).
  • 2 – Les emplois : on a considéré que les pères occupaient un emploi, au sens défini plus haut, quand on connaissait le nom de l'employeur ou quand on pouvait facilement le déduire à partir de la simple déclaration. Ont reçu ce code les déclarations comme employé de la CUF, de la Carris ou des différentes compagnies de chemin de fer, fonctionnaire, employé municipal ou de l'État, les militaires, policiers, douaniers, etc. Les déclarations comme conducteur de tramway ou cheminot, pour lesquelles il n'y a guère de doute sur le type d'établissement où la profession est exercée, ont aussi été codées 2.
  • 1 – Les professions qualifiées : le code 1 a été attribué à toutes les déclarations qui font référence à une spécialisation professionnelle, dans un métier au sens traditionnel du terme (serrurier, menuisier, barbier, etc.) ou dans une branche d'activité (employé de commerce). La dénomination de cette catégorie par l'expression «profession qualifiée" est en toute rigueur abusive. Toutes ces professions ne nécessitent pas l'acquisition d'un savoir-faire précis. Les employés de commerce auraient ainsi pu recevoir un code distinct. Mais cette opération n'aurait pas pu s'appuyer sur un signe linguistique clair : l'univers des employés de commerce est aussi bien représenté par la déclaration «employé de commerce", que «commerçant" ou «barbier". Par ailleurs, l'analyse de l'environnement relationnel des pères employés de commerce a déjà été faite. L'usage d'un code spécifique n'aurait pas apporté de nouvelles informations. En fin de compte, la cohérence de cette catégorie naît surtout de son opposition avec les deux autres groupes, identifiés par les codes 3 et 2.
  • Les liens de parenté

On s'intéresse ici aux liens de parenté qui peuvent exister entre le père et la mère d'une part, et le parrain et la marraine d'autre part. La codification de cette information ne pose pas de grand problème. Nous reprenons les grandes catégories de liens déjà mentionnées précédemment : l'existence d'un lien fort avec le père (code 1), d'un lien fort avec la mère (code 2), d'un lien déterminé sur la base d'indices patronymiques avec le père (code 3) et avec la mère (code 4), l'absence de lien de parenté (code 0). En revanche, fallait-il traiter les informations au niveau de chaque fiche naissance ou reporter les informations dans toutes les fiches associées à un même couple ? Par exemple, si un couple qui effectue plusieurs déclarations durant la période choisit à une seule occasion un parrain ou une marraine possédant un lien de parenté avec l'un des deux partenaires, cette information doit-elle figurer dans l'ensemble des fiches du couple ? Toujours selon cette idée d'élargir notre source d'information, devait-on prendre en compte la présence des fratries dans le voisinage, repérée par le croisement des différents actes (chapitre 4) ? S'inspirant de la notion de«famille utile" utilisée par Jean-Paul Burdy, nous avons opté pour enregistrer uniquement l'information contenue dans l'acte traité. Seuls les liens de parenté qui se conjuguent avec la proximité relationnelle enregistrée sont donc retenus parmi la liste des facteurs qui peuvent influencer la position relationnelle du couple.

  • La déclaration professionnelle du parrain

Cette information est traitée selon le même principe que la déclaration professionnelle du père. Un code supplémentaire a été cependant créé pour les déclarations qui ne renvoient à aucun statut professionnel, telle la déclaration«employé de l'église" (code 0). Un doute a surgi en ce qui concerne la profession des grands-pères choisis comme parrain. Cette information est presque toujours absente de l'acte de naissance, mais pour les couples mariés dans la paroisse d'Alcântara, il est possible de la récupérer dans l'acte de mariage. Cette solution n'a pas été retenue car elle reviendrait à créer une inégalité de traitement entre les couples, en fonction du lieu de naissance et du statut matrimonial (couples mariés ou non) 775 .

À chaque fiche naissance nous avons donc attribué une série de quatre codes qui renvoient aux quatre grandes catégories d'information que nous venons d'énumérer. Toutes les informations ne sont pas prises en compte. La résidence des parrains est par exemple ignorée. On s'est fixé comme principe de comparer le rôle d'un nombre limité de facteurs aux deux époques et dans les deux rues. Ce qui impliquait de connaître systématiquement ces facteurs de manière identique et sous la même forme.

Notes
773.

L'unité d'analyse est le lien parrain/parent et non le couple. Les couples qui ont effectué plusieurs déclarations sont considérés autant de fois que de déclarations.

774.

Dans les cas des déclarations multiples des pères, on a envisagé d'introduire un système de pondération qui aurait permis de réserver un traitement différent entre les déclarations stables et instables. Mais en y regardant de plus près, le fait de prendre en compte l'ensemble des déclarations de chaque couple renforce la valeur des déclarations stables et relativise le poids des déclarations instables. En utilisant toutes les déclarations, on introduit de fait un système de pondération.

775.

La prise en compte de la profession des grands-pères choisis comme parrain, aurait aussi pour effet de brouiller l'objet de l'analyse en faisant intervenir la question de la reproduction sociale (cf. note 789 ci-après).