Chapitre 5. ALLÉGORIE ET PARODIE : A TALE OF A TUB

Bien que la prodigieuse inventivité narratologique de A Tale of a Tub ait pris le pas, dans l’analyse critique, sur son contenu plus précisément religieux, l’allégorie des trois frères, et ce depuis l’ouvrage magistral de Philip Harth (Harth, 1961), il convient ici de nous attarder sur le seul ouvrage du dix‑huitième siècle qu’on puisse comparer, pour ce qui est de l’allègre manipulation des codes et la totale liberté des jeux sur les conventions littéraires et linguistiques, à Tristram Shandy – mais avec soixante ans d’avance. C’est le seul texte de longue haleine qui chez Swift associe ou fait cohabiter de manière ostensible, et sans chercher à gommer les sutures, les procédés satiriques et le souci homilétique de démontrer la légitimité de l’Église anglicane. Laissant de côté, pour l’analyse, ce qui ne concerne pas directement l’allégorie religieuse, sinon pour le remettre dans le contexte de la hantise swiftienne du « modernisme », nous allons examiner comment le double procédé satirique de l’allégorie et de la parodie est mis en œuvre dans cette apologie de l’Anglicanisme comme via media. C’est dans A Tale, en effet, qu’apparaît le plus clairement la double fonction que se donne Swift comme « Preacher » et comme « Jester », dans les débats contemporains concernant le mouvement des idées et en particulier la religion et le statut de l’Église, par une sorte de foregrounding, de « dénudation du procédé », pour reprendre la formule suggérée par les formalistes russes : il s’agit d’attirer l’attention sur le travail textuel à l’œuvre, autant (ou plus) que sur le contenu ; l’absence de méthode, la désorganisation affichée de A Tale donne à voir ce dont le texte parle.