1.1.1. L’enseignement du français dans les écoles jordaniennes

1.1.1.1 Le secteur public

C’est dans le cadre de l’accord de coopération franco-jordanienne signé en 1965 entre le gouvernement jordanien et le gouvernement français que l’enseignement du français a été introduit dans le système scolaire. L'enseignement scolaire en Jordanie comprend douze ans d'étude, de la première jusqu'à la douzième (baccalauréat). En 1970, le français était enseigné dans deux grands lycées publics à Amman à raison de quatre périodes hebdomadaires dans des classes de neuvième (classe de 3e en France). A cette époque, le français avait le statut de langue facultative extra-curriculaire, ce qui veut dire qu'il n’était pas une matière obligatoire et la note n’était pas intégrée dans la moyenne générale de l’élève.

Plus tard, en 1979, une dizaine d’écoles publiques enseignaient le français comme matière optionnelle dans les classes de neuvième, dixième et onzième : tout élève désirant s'inscrire à un cours de français devait présenter préalablement un engagement officiel écrit et signé par les parents et par lui-même l'obligeant à suivre tous les cours de français durant toute l'année scolaire. En 1979-80, le Conseil de l’éducation a décidé d’intégrer la note de français dans la moyenne générale des élèves qui choisissent de l’étudier, sauf pour la classe de tawjihi (le baccalauréat jordanien).

Cette expérience a été élargie pour atteindre d'autres grandes villes en Jordanie : en 1988, le français était enseigné à Irbid et l'année suivante à Zarqa. Cette restriction du français a duré pendant de longues années sans qu’il y ait du progrès notable. En 1988, il prend le statut de matière libre, au même titre que l’enseignement pré-professionnel, la gymnastique, l’enseignement artistique, l’enseignement ménager et l’informatique. Suivant cette réforme, l’élève devait choisir une des matières libres à raison de deux périodes par semaine (au lieu de trois ou de quatre périodes par semaine) dans les classes de 10e et 11e.

Ces dernières années ont connu beaucoup de changements dans l'enseignement du français en Jordanie. Ainsi, depuis1993, le français est enseigné dès la classe de huitième (équivalent de la 4e en France) ainsi que dans les classes de 9e et 10e à raison de trois périodes par semaine, comme matière facultative et toujours extra-curriculaire.

À l’occasion de la visite du président Chirac en Jordanie en 1996, le Ministère de l’Education a décidé d’intégrer le français dans le tawjihi à partir de la rentrée scolaire 1997/98, en lui attribuant le statut de matière fondamentale optionnelle (trois périodes par semaine), dans la classe de 11e de la branche académique (scientifique et littéraire). De même, il est enseigné comme matière optionnelle de spécialité à raison de cinq périodes hebdomadaires dans le tawjihi scientifique et littéraire. Ainsi, le français n'est plus considéré comme une matière libre et il est introduit dans le curriculum académique comme discipline optionnelle de spécialité. Actuellement, l’enseignement du français concerne différentes provinces et académies dans le pays, et de nombreux postes d’enseignants sont ouverts.

Le tableau 1 suivant, cité par S. Shehadeh nous montre l’état actuel de l’enseignement du français dans les écoles publiques jordaniennes.

Tableau 1 : Enseignement du français dans les écoles publiques jordaniennes
Classes Statut du français cours/
semaine
8e facultative 3
9e facultative 3
10e facultative 3
11e Discipline fondamentale optionnelle 3
Le tawjihi Discipline optionnelle de spécialité 5

La note de français est marquée sur le livret scolaire mais n’est pas prise en compte dans la moyenne générale du tawjihi. Le SCAC vise à rendre obligatoire les cours de français jusqu'au tawjihi et de faire en sorte que la note finale de l’épreuve soit comptée dans la moyenne générale du diplôme. Il propose également de rendre le français matière optionnelle de spécialisation que pourraient choisir les élèves préparant un tawjihi professionnel dans les domaines où la maîtrise d'une deuxième langue étrangère est jugée nécessaire (commerce, tourisme, lettres, communications, ...). Selon les dernières statistiques établies par le Ministère de l’Éducation, pour l’année scolaire 2000-2001, le français est enseigné dans 75 écoles publiques, dont 13 situées à Amman. Les effectifs d’élèves apprenant le français dans les écoles publiques s’élèvent à 7710, et le nombre de professeurs de français est 58.

S. Shehadeh lie la précarité du statut de l’enseignement du français dans les écoles jordaniennes à l’absence de curriculum approprié : «‘Le statut du français (par rapport au curriculum du cycle obligatoire en Jordanie) en tant que matière facultative extra-curriculaire et non optionnelle que l’élève peut ne pas choisir si cette matière ne lui plaît pas, reste et restera peut-être toujours un handicap de taille pour l’enseignement de cette langue dans le pays. Le seul moyen qui reste est de concevoir un curriculum qui attire le plus de monde possible à s’engager dans l’étude de la langue et à la poursuivre’» 2 .

La motivation des élèves pour apprendre le français est en effet influencée par plusieurs contraintes :

  1. La note du français n’est pas comptée dans la moyenne ;
  2. Les horaires des cours sont très mal choisis, soit avant huit heures du matin, soit après deux heures de l’après midi ;
  3. Certaines écoles privées font payer leurs élèves en plus des frais de scolarité, pour suivre les cours du français ;
  4. L’épreuve de français est introduite uniquement dans le tawjihi littéraire et n’existe pas dans la filière scientifique.

Notes
1.

Shehadeh, S. (1998) : Pour un curriculum humaniste de langues étrangères : proposition pour la conception d’un curriculum de FLE destiné aux élèves jordaniens. Thèse de doctorat, Université de la Nouvelle Sorbonne Paris 3. Ancien inspecteur académique de la langue française à Amman, Sulaiman Shahadeh est actuellement l’attaché culturel de l’ambassade de Jordanie en France.

2.

Suleiman Shehadeh, (1998) : idem, P. 229.