2.3.1.1. Le cadre de participation

Le cadre de participation chez Goffman, rend compte des deux pôles inévitables d'une interaction : le pôle production et le pôle réception. Pour les caractériser, l'auteur emploie le terme de format : il parle ainsi d'un format de production et d'un format de réception. Ce modèle illustre le fait que ces deux instances sont non seulement étroitement liées, mais qu'elles se modifient en s'influençant mutuellement.

Selon l'auteur, toute énonciation implique l'existence d'un format de production. Celui-ci se compose de trois instances de production différentes, au nom desquelles peut parler le locuteur. Ce dernier peut ainsi référer à :

  • l'animateur (celui qui parle physiquement)
  • l'auteur (celui qui a composé le message)
  • le responsable (pris dans son sens juridique; celui qui est lié par la parole et qui représente un certain rôle social)

Au format de production correspond un format de réception. Goffman a pu mettre en évidence les rôles interactifs divers que les "interlocuteurs" peuvent occuper. Selon la manière dont les locuteurs s'adressent à eux, les interlocuteurs se positionnent diversement en destinataires désignés ou destinataires non désignés (les tiers).

Brièvement, les deux formats évoqués constituent le cadre de participation dans lequel sont engagés les interactants. Ce cadre permet à l'auteur de rendre compte des modes selon lesquels les participants à une rencontre sont impliqués, au sein de cette rencontre, les uns avec les autres. Il permet, par ailleurs, de rendre compte de l'influence mutuelle que les deux versants exercent l'un sur l'autre.

L’étude interactionnelle nous permettra de décrire le caractère socio-pragmatique des interactants dans la situation de production de leur discours. Remarquons tout d'abord qu'un sujet dans une situation d'interaction pourrait être décrit du point de vue de son "statut" et de son "rôle". P. Bange 62 considère le "statut" comme un caractère statique et sociologique du sujet interactant, tandis que le "rôle" forme une notion dynamique qui montre les fonctions interactionnelles qu'un sujet occupe dans une interaction donnée. Ainsi, cette approche interactionniste qui décrit les caractères extralinguistiques ou socio-pragmatiques des "sujets parlants" nous permettra d'appréhender nos sujets en question : le guide, le conférencier ou l'enseignant, comme des sujets ayant des connaissances spécialisées et qui ont pour fonction de les transmettre aux interlocuteurs venus chercher ce savoir. Ces derniers, quant à eux, se trouvent, comme on l’a déjà signalé, dans une position d'infériorité par rapport aux sujets parlant à l'égard de ce savoir spécialisé.

Le discours du guide dans le cadre d’une visite guidée est marqué par les fonctions d’information, d’animation et de divertissement. Dans le schéma conversationnel ordinaire, le locuteur adopte un triple rôle : il est animateur, auteur et responsable de sa parole. Autrement dit, il anime un discours qu’il a créé lui-même : il parle en son nom et croit personnellement à ses paroles. Ces mêmes caractéristiques ont été attribuées par Goffman au conférencier qu’il définit comme un "agent trifonctionnel". Il est censé disposer d’une autorité intellectuelle par opposition à l’autorité institutionnelle qu’on l’attribue à l’enseignant. Concernant notre guide, nous lui attribuons surtout le rôle de l’animateur et moins le rôle d’auteur ou de responsable car même s’il a préparé son discours lui-même ou a participé à sa constitution, il n’est pas l’auteur du "texte" ou le responsable de son contenu.

Notes
62.

Bange P. (1992) : "à propos de la communication et de l'apprentissage de L2 (notamment dans ses formes institutionnelles)", Aile 1, association ENCRAGES : P. 53-85.