2.3.1.7. Un dialogisme didactique

Les discours des guides, le cours magistral et la conférence partagent trois grandes dimensions communes : le "dialogisme", la "didacticité" et la dimension d’expertise.

Ces trois discours sont tous des monologues dialogiques : la prise en compte de l’interlocuteur y est très présente. En revanche, l’interaction qui fait partie du scénario de base de trois discours, en se déclinant différemment dans chaque cas : à quel moment dans le discours se manifeste-t-elle ? Dans le cours magistral et la conférence, il n'y a pratiquement pas d'intervention de la part du public au cours de la prise de parole du locuteur (assez exceptionnel et toujours considéré comme une parenthèse dans le déroulement prévu du discours). Ces moments d’interaction se trouvent généralement à la fin de la conférence ou du cours magistral, moment où le conférencier ou l'enseignant répond aux questions du public. Une conversation directe peut s’établir entre l’auditoire et le locuteur ce qui rend ce moment d’interaction plus intime et plus informel. Dans le cas du discours du guide, ces moments d’intervention spontanée peu ou pas annoncée par le touriste, peuvent exister tout au long de sa prise de parole. Les touristes se permettent d’interrompre facilement le guide pour faire un commentaire ou poser une question sans néanmoins perturber le fil du discours, alors qu'en cours magistral ou en conférence, une demande d'autorisation de prise de parole est nécessaire (main levée, terme d'excuse).

Nous retrouvons la dimension d'expertise dans les trois types mais à différents degrés. Dans le discours du guide, comme dans un cours magistral, cette transmission d’information nouvelle s’exerce face à un public en principe néophyte non initié, donc dans une relation de spécialiste à non spécialiste. En revanche, dans la conférence, on distingue celle qui est adressée au grand public, alors considéré comme non spécialiste, de la prestation dans un colloque scientifique, tenue face à un public spécialisé.

Quant à la dimension didactique, il s’agit de la transmission d’un savoir à des apprenants ne possédant pas ou pas assez de connaissances dans le domaine. Dans une conférence ou une visite guidée, il est question de la transmission d’un savoir à un public venu chercher ce savoir en étant informé ou simplement intéressé par le sujet ou la visite. Le conférencier et le guide sont soumis à une évaluation de leur public, contrairement à l’enseignant qui évalue ses étudiants dans la mesure où il y a un contrat didactique entre les deux parties et une certification délivrée par l’institution académique.

En effet, les rôles des participants à la communication sont prédéterminés. L’interaction se construit à l’intérieur d’un contrat selon lequel le conférencier, le guide ou l'enseignant, par le fait de posséder un savoir supérieur à celui de leur public, ont le droit à la parole. Ce sont eux qui parlent, qui décident le contenu de leur intervention. Bref, ils sont guidés par une volonté didactique d’informer l’autre.

Ainsi, sur le plan de la relation aux interlocuteurs, la situation du guide est proche de celle du conférencier par le caractère unique de la prestation : une seule fois, une unité de lieu et d’événement. Le public a une liberté d’attitude : écoute ou non, prise de notes ou non, c’est lui qui décide. En revanche, dans un cours magistral, l’attitude attendue de la part des étudiants par le professeur c’est l’écoute attentive et la prise des notes, quasi-obligatoire, liée à la tradition scolaire et à la certification.

Dans le cours magistral, l’enseignant a une représentation précise des acquis de son public et de son savoir antérieur dans le cadre de son cursus universitaire. Ainsi, une position dominant-dominé relatif au savoir définit cette relation. Elle se manifeste par les renvois que fait régulièrement l’enseignant : "vous avez dû étudié cela l’année dernière dans le cours de relations internationales" ou "ce sont des choses que vous connaissez bien", etc. Pour ce qui est de la conférence ou de la visite guidée, la situation est autre car le locuteur a une idée beaucoup plus approximative de son public et de ses connaissances. Le profil des touristes est fluctuant et celui des conférences grand public encore plus. Le conférencier et le guide font rarement appel aux connaissances du public sauf lorsqu’il s’agit des connaissances encyclopédiques que tout le monde est censé posséder. De temps en temps, le guide peut faire référence à une visite antérieure ou à un discours tenu la veille, mais peu souvent car il sait que les touristes ne sont pas censés « apprendre » ces informations aux étudiants qui seront validés sur ce qu’ils auront appris, retenu du contenu de leur cours.

Deux autres types de rapport qui relient le conférencier, le guide et l'enseignant à leur public : le rapport marchand et le rapport d'autorité