2.4.4. Les reformulations

Tout discours oral utilise la reformulation et le discours du guide en fait un usage abondant. Toutefois, les reformulations rencontrées dans notre corpus ont une fonction différente de celles utilisées par exemple en classe de langue car elles ne sont pas seulement destinées à expliciter le sens des mots inconnus et qu'elles ne sont quasiment jamais des reformulations correctrices du discours de l’interlocuteur. Il s'agit cependant, des auto-reformulations produites par le guide sur ses propres énoncés. Parfois, dans le discours du guide, une paraphrase peut provoquer une avancée du discours par une organisation différente de l'argumentation de la pensée, par l'ajout des informations supposées inconnues par les touristes, etc.

Le sens d'un énoncé reformulant ne peut être que proche de celui de l'énoncé source mais il ne lui est jamais identique. Cependant, certaines reformulations manifestent un déplacement du point de vue de l'énonciateur, en provoquant une modification de places de l'énonciateur et des destinataires à l'intérieur de la situation d'énonciation. Cela se manifeste par la disparition des marques personnelles : on  ça  une nominalisation. L'énonciateur peut déformer le contenu de son énoncé en changeant les relations temporelles et aspectuelles entre les objets de discours. Il modifie aussi l'importance relative des différents objets entre eux en changeant la thématisation, par exemple entre l'énoncé source et sa reformulation, le thème et le rhème peuvent être inversés.

Dans notre formation de futures guides, nous insistons sur l'acquisition de cette compétence de pouvoir reconnaître un énoncé parent du précédent et d'interpréter un énoncé comme étant bien de sens équivalent, ainsi qu'être capable également de distinguer à partir de quel moment un énoncé reformulant cesse d'être la paraphrase d'un énoncé source pour donner une nouvelle signification. En effet, le guide a besoin d'acquérir cette compétence du natif à reformuler et savoir en user pour mieux produire son discours. Cette étude de la reformulation dans le discours des guides nous permet de passer en revue certains phénomènes langagiers que les grammaires ne prennent pas en compte.

Quant à la réalisation des reformulations, elles se font de deux façons : par expansion à droite et par un aller et retour. On peut les classer par leur fonction :

E. Blondel 73 propose deux types de reformulations : en discours et paraphrastiques. Dans le premier type, le locuteur établit une reformulation dans son discours lorsqu'il postule entre certains de ses énoncés une équivalence qui n'est valable que dans les paroles prononcées, le locuteur doit utiliser un marqueur de reformulation paraphrastique entre l'énoncé source et l'énoncé reformulant du type "je veux dire". Tandis que le deuxième type de reformulation est une équivalence qui existe dans la langue. Le natif possède normalement cette compétence à la reformulation.

La classification des reformulations prend comme point de départ le modèle proposé par P. Griggs 74 . À partir de plusieurs cas d'auto-reformulation répertoriés dans le corpus, trois grandes catégories se dessinent :

Notre corpus se différencie ainsi des interactions spontanées entre locuteurs natifs et non natifs où l'interaction modifiée est typiquement plus orientée vers la seule résolution de problème d'intercompréhension. En effet, le guide se focalise moins dans son discours sur les formes et les fonctions grammaticales et il nous semble qu'il est plus susceptible d'orienter son attention vers le contenu.

Nous remarquons que le guide a recours aux reformulations uniquement dans la partie monologale de son discours et non dans les échanges avec les touristes. Ainsi, nous ne retrouvons presque jamais d'hétéroreformulations car le guide est lui seul qui reformule ses propos sans l'aide des touristes. Cela est expliqué par deux raisons : d'un côté, le "statut social" du guide comme expert et détenteur de savoir le met en position supérieur par rapport aux touristes. De l'autre côté, le problème de "face", garder la face positive du guide, donc les touristes ne vont pas intervenir dans le discours du guide pour apporter leur correction ou participer à la reformulation.

Notes
73.

E. Blondel (1996): "La paraphrase dans le discours d'enseignement au niveau 3", FDLM n°spécial recherches et applications P. 94.

74.

P. Griggs (2002): "A propos de l'effet de l'activité métalinguistique sur les processus de production en L2", in Discours, action et appropriation des langues (coordonné par) Cicurel F., Véronique D. Presse Sorbonne Nouvelle, P. 54.